Comment apprendre rapidement une nouvelle langue sans devoir voyager

L’apprentissage des langues est un sujet qu’on peut passer sa vie à étudier. Je vais tôt ou tard devoir revenir ici, retravailler la présentation de cette page et explorer ce sujet plus en profondeur. D’ici à ce que ce soit fait, voici une série de liens pertinents ainsi qu’un appercu de la plupart des points les plus importants.

 

Quelques précisions concernant l’apprentissage des langues:

  • La plupart des principes énoncés auparavant sur la page Apprendre à apprendre s’appliquent. Je vais me concentrer sur cette page sur ce qui est largement unique à l’apprentissage des langues. Je ne vais pas répéter tous les points importants que j’ai déjà écrits ailleurs. Vous pouvez procrastiner la visite de cette autre page à une autre semaine ou même à un autre mois, mais je crois bien que tôt ou tard, cela va valoir la peine de faire l’effort d’en parcourir l’essentiel.
  • Oui l’immersion totale est une excellente façon d’apprendre une langue, mais c’est aussi possible d’accomplir énormément en solitaire à partir de chez soi. Parmi les rangs des hyperpolyglottes, des gens qui apprennent jusqu’à plusieurs dizaines de langues, certains procèdent par les voyages et par l’immersion. D’autres tout aussi efficaces apprennent principalement par l’étude.
  • Tant mieux pour vous si vous avez l’opportunité de changer complètement de milieu de vie pendant des mois, mais sachez que votre expérience d’immersion va être beaucoup plus bénéfiques si vous prenez d’abord la peine de développer au moins quelques compétences de base. En Amérique latine j’ai bien souvent rencontré des gens qui, même après 6 ou même 12 mois passés à vivre en espagnol, se débrouillaient bien pour comprendre et se faire comprendre, mais formulaient couramment des phrases épouvantables du type “hier je mange bon repas”. Un minimum d’études préalables leur aurait rendu un énorme service.
  • Plusieurs approches ou méthodes d’apprentissage peuvent fonctionner, mais ça ne signifie pas qu’elles soient toutes également efficaces. Mon auteur préféré sur le sujet de l’apprentissage des langues se nomme Gabriel Wyner. Vous pouvez l’entendre formuler de particulièrement bons conseils dans cette entrevue*. Ou vous pouvez lire essentiellement les mêmes conseils dans cet article ou cet autre article. Son livre est tout aussi génial et fascinant.

* Je vous rappelle que les liens Youtube peuvent être téléchargés en format audio en utilisant l’un des outils suggérés sur cette page.

 

Extrêmement bref et très incomplet résumé de ce Gabriel Wyner suggère:

  • Étape 1: Passez quelques semaines à, disons une vingtaine de minutes par jour, travailler uniquement (ou principalement) la prononciation. Wyner vend sur son site des outils abordables pour favoriser cet apprentissage. Peut-être pouvez-vous trouver d’autres moyens alternatifs pour obtenir les mêmes résultats. On travaille particulièrement les sons qui diffèrent de ceux que l’on utilise dans notre langue maternelle. Cela risque d’être un peu pénible que de passer beaucoup de temps au début à apprendre correctement la prononciation, sauf que cela vaut la peine. Bien des gens ont fait l’erreur d’étudier intensément le mandarin pendant des mois tout en négligeant leurs problèmes fondamentaux de prononciation. Une fois rendu en Chine, ils connaissaient bien la grammaire ainsi que quelques milliers de mots, mais ils étaient incapable de se faire comprendre même avec les phrases les plus simples. L’apprentissage de la prononciation correcte des différents sons est absolument indispensable pour des langues tonales comme le thaï et le mandarin. L’effort reste particulièrement utile même pour des langues plus faciles comme l’espagnol et l’italien. L’ensemble du vocabulaire va devenir pour vous beaucoup plus mémorable. Cela va vous éviter d’apprendre incorrectement et de développer de mauvaises habitudes. Et cela va rendre les futures conversations avec vous beaucoup plus agréables. Une phrase prononcée parfaitement donne souvent une bien meilleure impression que mille phrases vaguement compréhensibles, mais douloureuses pour les oreilles. 
  • Étape 2: Apprenez ensuite les 1000 ou 2000 mots de vocabulaire les plus communs à l’aide d’un logiciel de répétition espacée comme Anki. Wyner a une façon bien unique à lui de créer des flashcards. Ces 1000 ou 2000 mots ne représentent qu’une petite fraction de tous ceux qui existent, mais ils représentent la grande majorité de ceux auxquels vous allez être confronté au jour le jour.
  • Étape 3: Apprenez correctement la grammaire de base et faites tous les autres exercices de pratique et de lecture et d’écoute et de conversation que vous devinez utiles et nécessaires.

 

Note personnelle: Mes connaissances concernant l’apprentissage des langues viennent principalement de mes lectures des dernières années et de toutes les entrevues que j’ai écouté avec différents experts. Je n’ai encore jamais eu la chance d’appliquer concrètement ce que j’ai appris. J’ai appris l’anglais et l’espagnol il y a déjà plus de deux décennies, alors que je ne connaissais rien des techniques de mémorisation et des différentes façons d’apprendre plus efficacement. Aujourd’hui je peux sans problème vivre et lire et discuter et écrire dans ces deux langues. J’ai appris l’anglais principalement en lisant, l’espagnol principalement en voyageant. Mon niveau de compétence pour ces deux langues est plutôt bon, sauf que je traine encore aujourd’hui d’importantes lacunes concernant la prononciation (surtout les “th” en anglais et les “r” en espagnol) et des lacunes plus mineures avec la grammaire. Je pensais naïvement que ces problèmes allaient magiquement finir par disparaitre juste en continuant d’avoir des conversations, mais c’est presque le contraire qui s’est produit. 

Tout cela pour dire: Lorsque vous vous lancez dans un projet important comme l’apprentissage d’une langue, cela vaut la peine de faire l’effort d’apprendre correctement dès le départ, ou du moins aussi tôt que possible. À chaque fois que je prononce incorrectement un “th” en anglais ou que j’utilise pour la millième fois la même structure de phrase ou conjugaison douteuse, je renforce encore une fois de plus mes mauvaises habitudes. Remplacer complètement une habitude fermement acquise par une nouvelle, c’est possible, mais ce n’est pas toujours simple. Cela peut sembler paradoxal, mais dans bien des domaines, c’est souvent plus facile pour un débutant d’apprendre correctement dès le départ que pour un “expert” de corriger les erreurs qu’il répète depuis trop longtemps.

 

 

Les techniques de mémorisation sont-elles utiles pour l’apprentissage des langues?

Mon seul désaccord important avec Wyner concerne le fait que pour l’acquisition initiale du vocabulaire de base, l’utilisation de mnémoniques peut être tellement efficace que je pense que cela vaut la peine de sacrifier un peu de la pureté de l’approche “sans traduction” qu’il préconise. Wyner nous dit dans son livre que les mnémoniques sont “awesome” et il nous enseigne comment les utiliser pour se souvenir de, par exemple, le genre des mots en allemand. Je ne sais pas pourquoi il n’utilise pas les mnémoniques dans un bien plus large éventail de circonstances.

À vous de voir. Règle générale, je vous dirais de vous fier sur lui plutôt que sur moi. Pour l’apprentissage des langues, c’est lui l’expert. Mais j’ai l’impression qu’il sous-estime à quel point, avec un peu d’entrainement, les mnémoniques peuvent spectaculairement accélérer plusieurs formes d’apprentissage, en premier lieu celui du vocabulaire de base.

Liens pertinents pour étayer ma position:

  • Un article fascinant expliquant comment l’auteur de Moonwalking With Einstein a utilisé des mnémoniques pour apprendre 1100 mots de Lingala (une langue parlée surtout dans le nord du Congo) en une série de très courtes pratiques qui en tout ne totalisent que 22 heures. Notez que ses très courtes pratiques ont été étalées sur une période de trois mois. Le “in a day” qu’on voit dans le sous-titre de l’article a probablement été ajouté par un éditeur pressé qui n’a même pas lu l’article.
  • Un bien intéressant extrait d’entrevue (le lien vous mène directement au passage pertinent) où l’homme raconte de quelles façons de bien simples techniques de mémorisation lui ont permis d’apprendre à parler japonais en seulement un mois.
  • Un court vidéo montre un exemple de ce qu’un mnémoniste bien entrainé peut réussir à accomplir en étudiant l’espagnol à partir de chez lui pendant seulement un mois. Notez que l’apprentissage de l’espagnol est je pense beaucoup plus difficile pour un Suédois comme lui que pour un francophone.
  • Je ne retrouve pas le lien en ce moment, mais je suis récemment tombé sur le récit d’un jeune homme expliquant de quelle façon il est parvenu à apprendre 1000 mots de mandarin en un mois en utilisant des associations mnémoniques simples (sans palais de mémoire).
  • Timothy Doner parlait déjà une vingtaine de langues à l’âge de 16 ans. Dans cette présentation, il recommande entre autres l’utilisation de palais de mémoire. Sa façon de les utiliser est selon moi quelque peu hors du commun.

 

Comment utiliser des mnémoniques pour accélérer l’apprentissage du vocabulaire:

Plusieurs mots n’ont pas besoin de mnémonique pour être appris, véhicule/vehículo par exemple. Mais pour bien d’autres, les trucs de mémorisation peuvent grandement accélérer l’apprentissage initial. Pour “mesa”, table en espagnol, je pourrais penser au fait qu’il y a souvent un gros “mess” (bordel en anglais) sur ma table de cuisine. Ou je pourrais penser à une table où des joueurs de pokers “misent” beaucoup d’argent. Pour un mot beaucoup plus difficile, disons “Verkehrsüberwachung” en allemand (supervision du trafic en français), je me dirais “Un ver (de terre) qui est saoul (Verkehsuber) me watch (wachung) alors que je traverse une intersection (supervision du trafic). Apprendre ce mot resterait difficile, mais j’aurais besoin d’un bien plus petit nombre de répétitions pour m’en souvenir à long terme.

Voyons quelques autres petits exemples. Je vais d’abord prendre cinq mots au hasard, disons “comment”, “réussir”, “apprendre”, “langue” et “facilement”. Puis je vais demander à cet absolument génial site gratuit de traduction de me les traduire disons en néerlandais. Je vais préciser juste au cas où que non, je ne parle pas du tout le néerlandais. Voici la traduction de ces 5 mots selon le site.

  • Comment – hoe
  • Réussir – slagen
  • Apprendre – leren
  • Langue: taal
  • Facilement: gemakkelijk

Et voici maintenant comment je suis spontanément tenté de retenir ces mots. Je pourrais énumérer bien des trucs possibles pour chaque mot, mais je vais me limiter à un seul pour sauver du temps. Dans tous les cas cela vaut la peine de, à au moins quelques reprises, dire les mots à voix haute en repensant aux mnémoniques correspondant.

  • Comment/hoe : Ici j’ai bien envie d’utiliser une image basée sur l’une des significations du mot “hoe” en anglais, mais je me taire pour éviter d’offenser qui que ce soit. Je vais plutôt prendre une image beaucoup plus gentille. La voici: Je vois le père Noël en train de rire avec son bien typique “Hoe Hoe Hoe!” Je lui demande “Père Noël COMMENT vous faites pour, en seulement une nuit, réussir à livrer de merveilleux cadeaux à tous les petits enfants pas trop pauvres de la planète?”. That’s it. L’image ne prend que quelques secondes à être improvisée. Je ne sais pas si je prends ou non la peine de la noter quelque part, mais si oui je vais probablement juste écrire (Père Noël) entre parenthèses à côté de la traduction du mot.
  • Réussir/slagen – Je ne sais pas trop pourquoi, peut-être à cause du mot “slacker” en anglais, mais le mot “slagen” m’évoque l’image d’un ado écrasé dans un hamac (moi plus jeune peut-être) qui ne fait rien de ses journées. Son père arrive et lui demande: “Mon gars, comment tu vas RÉUSSIR dans la vie si tu continues comme ça?”
  • Apprendre/leren – Ça c’est trop facile. Pour apprendre il faut lire. Lire = leren. That’s it
  • Langue/taal. Vous connaissez la légende du Graal? La légende du “taal”, quant à elle, raconte l’histoire d’un homme très grand (tall en anglais) qui parlait toutes les langues du monde.
  • Facilement/gemakkelijk – Ok ça c’est beaucoup plus difficile. Pour “gema” je pense à une “gem”, une pierre précieuse. Pour “kkelijk” j’imagine la pierre précieuse en train de lire et je me demande ce “qu’elle lit” (qu’elle = kkel, lit = lijk). Je me demande ensuite comment fait-elle pour lire aussi “facilement” alors qu’elle n’a même pas de yeux! Ici le mot est difficile et mes images sont atrocement mauvaises. Un plus grand nombre de répétitions vont être nécessaires pour s’en souvenir. Mais ça ne veut pas dire que mes images stupides ne vont pas grandement accélérer le processus.

Précision importante: Supposons que je n’avais vraiment pas eu d’inspiration pour “gemakkeljik”, j’aurais tout de même pu trouver un mnémonique qui ne représente que très grossièrement une seule syllabe. Disons seulement un Big “Mac” pour le son “makke” au milieu. Ce serait loin d’être idéal, mais ce serait déjà beaucoup mieux que rien.

Deuxième précision importante: Une fois qu’un certain niveau de familiarité avec le nouveau mot a été développé, on peut bien sûr oublier le “truc” que nous avons utilisé au début.

 

La question qui tue: Pour ou contre les palais de mémoire pour l’apprentissage du vocabulaire?

Devrais-je ou non prendre la peine de placer les images que je viens d’improviser dans un palais de mémoire? Ma réponse est que je ne sais vraiment pas… D’un côté il est clair que les palais de mémoire facilitent la rétention initiale. Le champion du monde Alex Mullen les utilise pour apprendre le mandarin. D’un autre côté, même en utilisant seulement de petites images placées relativement près les unes des autres, il faut beaucoup de palais de mémoire pour apprendre 1000 ou 2000 ou 3000 mots. Les associations directes simples comme je viens de faire sont peut-être un peu moins efficaces que si elles étaient placées dans des palais de mémoire, mais elles sont aussi un peu plus simples à mettre en pratique. Plusieurs des individus présentés dans les “liens pertinents” que je vous ai présentés ci-dessus semble n’avoir utilisé que de simples images comme les miennes, sans palais de mémoire. Depuis que je connais le monde merveilleux des techniques de mémorisation, je n’ai encore jamais eu la chance de m’attaquer à l’apprentissage d’une langue. Je ne suis donc pas encore certain de la stratégie que je choisirais d’adopter.

Pour l’instant, ma très provisoire réponse à cette question ressemble à ceci: Je pense qu’initialement je placerais certains mots et verbes importants dans des palais de mémoire. Peut-être 500 mots. La majorité du reste du temps, j’utiliserais plutôt des associations simples (en plus des logiciels de répétition espacée comme Anki bien sûr). Une fois que mes 500 mots placés dans des palais de mémoire seraient fermement bien implantés dans ma mémoire long terme, je pourrais cesser de réviser les images des palais en question et éventuellement recycler ces palais de mémoire pour d’autres projets. À plus long terme, plus je commencerais à pouvoir me débrouiller un peu, lire des textes simples, avoir des conversations simples, écouter des séries avec les sous-titres et ainsi de suite, plus je pourrais me permettre de fréquemment apprendre de nouveaux mots sans utiliser ni mnémonique, ni logiciel de répétition espacée.

Note additionnelle: Par souci d’honnêteté, je vais mentionner le fait que j’ai au moins deux autres exemples en tête de gens qui connaissent les techniques de mémorisation et qui choisissent de ne pas les utiliser dans leur processus d’apprentissage des langues. Je ne sais pas si c’est parce qu’ils ont de bonnes raisons, si c’est une simple préférence personnelle ou si c’est parce qu’ils n’ont initialement pas abordé le processus de la bonne façon.

 

Liens optionnels utiles ou intéressants:

  • Italki. Pour pratiquer la conversation avec des gens de partout dans le monde. Des milliers de professeurs professionnels ou amateurs qui vendent leurs services à des prix très abordables. 
  • Si vous ne souhaitez pas utiliser Anki pour la répétition espacée, il existe d’autres applications plus ou moins payantes conçues spécifiquement pour les langues comme Memrise, Fluent Forever, Duolingo et Drops. Je ne sais vraiment pas laquelle est “la meilleure”.
  • Autres conseils utiles et intéressants sur l’apprentissage des langues.
  • Si vous êtes très à l’aise avec l’anglais et que vous souhaitez apprendre d’autres langues sans devoir vous casser la tête à improviser vos propres mnémoniques, vous pourriez peut-être songer à utiliser ce produit.
  • Article intéressant sur les hyperpolyglottes, ces gens qui parlent 12 ou 20 ou même plus de 30 langues différentes.
  • Et encore un autre article intéressant sur ces fascinants individus.

 

 

 

 

Addendum: Comment apprendre la grammaire un peu plus facilement?

Voilà un sujet un peu complexe et multidimensionnel auquel je vais devoir m’attaquer plus sérieusement une autre fois. Pour le moment, je vais me contenter de formuler ces quelques petits points:

  • Vous pouvez vous permettre d’ignorer ou de procrastiner plus ou moins indéfiniment l’apprentissage de plusieurs règles obscures et autres petites exceptions rares et sans réelle importance. Cependant, pour tout ce qui concerne la grammaire de base, cela vaut généralement la peine de faire l’effort de l’apprendre correctement dès le départ.
  • Pour tout ce qui semble ne serait-ce que très légèrement difficile à retenir, n’hésitez jamais à utiliser des flashcards réelles ou virtuelles
  • Nul besoin de toujours vous en servir systématiquement pour tout, mais lorsque le coeur vous en dit, vous pouvez utiliser des techniques de mémorisation simples comme des petits acronymes ou des petites phrases. Je me souviens encore du “les si mangent les rais”* qu’on m’avait enseigné pour m’inciter à ne pas dire des trucs comme “si j’aurais su” au lieu de “si j’avais su”. Je me souviens encore aussi du “S-E-X-AI” et du “DATE” pour retenir les terminaisons possibles des verbes conjugués à la première et à la troisième personne du singulier**.
  • Dans le même ordre d’idée, voici quelques exemples simples de trucs mnémotechniques conçus pour retenir la conjugaison de base en français. Ces trucs sont conçus pour de jeunes enfants, mais il n’y a pas d’âge*** à partir duquel le même genre de trucs cesse de devenir efficace. Et voici un petit livre qui s’inspire des techniques de mémorisation pour nous enseigner à faire moins de fautes en français. Si je mentionne tout cela, ce n’est pas nécessairement pour vous aider à améliorer votre maitrise du français, c’est surtout pour vous donner des exemples des différents types de méthodes qui peuvent être utilisées. 
  • Il est certainement possible de mémoriser toutes les différentes règles de grammaire à l’aide de palais de mémoire, mais pour plusieurs raisons, je ne suis pas certain d’être prêt à vous recommander cela. Ça peut être une bonne idée si vous vous préparez seulement pour un examen écrit. Mais pour apprendre à plus long terme comment converser avec aisance dans une langue, l’utilité des palais de mémoire est beaucoup moins évidente.
  • Rappelez-vous que les techniques de mémorisation sont surtout là pour faciliter l’apprentissage initial. Dans bien des cas, surtout pour la grammaire de base, avec le temps leur utilisation devrait normalement devenir de moins en moins utile ou nécessaire. 

* J’étais alors trop jeune, trop naïf et trop pur pour réaliser à quel point la phrase “les si mangent les rais” pouvait être profondément comique. J’imagine que c’est pour cette raison qu’elle semble aujourd’hui avoir été remplacée par “les si n’aiment pas les rais“.

** Exemples possibles de terminaisons pour la 1ère personne du singulier: J’étais / Je mange / Je veux / Je serai = S-E-X-AI. Exemples possibles de terminaisons pour la 3e personne du singulier: Il mord / Il fera / Il sourit / Il danse = DATE. Ici c’est bien commode la façon dont ces terminaisons forment des petits mots faciles, sauf que même des acronymes absurdes et difficiles comme VSJXGN peuvent être utilisés pour faciliter la mémorisation. Notez que pour arriver à “VSJXGN”, je viens à l’instant de fermer les yeux avant de taper carrément n’importe où sur mon clavier. Supposons pour le fun que cet acronyme peut m’aider à mémoriser les terminaisons possibles des verbes serbo-croates conjugués au plus-que-parfait du subjonctif à la 17e personne du pluriel. Supposons maintenant, juste pour le fun, que je souhaitais le retenir. Voici la méthode que je choisirais probablement d’utiliser:

  1. Trouver un truc stupide pour m’aider à le mémoriser. Peut-être une petite phrase comme “ma ViSion: J‘ai un X GagNant” combinée avec une petite image mentale de moi “ViSionnant” le fait que “J’ai un X GagNant” sur, disons, un jeu de bingo ou whatever.
  2. Je ferais une flashcard réelle ou virtuelle avec d’un côté, “Serbo-croate / plus-que-parfait du subjonctif  / 17e personne du pluriel” et, de l’autre, “VSJXGN”. Optionnel: Je pourrais ajouter mon mnémonique stupide sur la flashcard. Je pourrais aussi ajouter un exemple ou quelques exemples de verbes serbo-croates conjugués de cette façon.
  3. Je vérifierais si je peux mentalement (ou verbalement ou à l’écrit) me remémorer l’acronyme en question sans tricher.
  4. Je réviserais en utilisant les principes de la répétition espacée.

*** D’après un excellent enseignant du nom de Darren Michalczuk, il y a certains types d’histoire que les enfants vont retenir avec plus de facilité et de rapidité que les adultes. Peut-être, mais ça ne signifie pas que les adultes ne peuvent pas utiliser le même type de techniques en les adaptant selon leurs préférences personnelles, en ajoutant un peu de violence et de vulgarité par exemple ( : Je ne sais pas à quel âge il devient préférable de systématiquement créer ses propres trucs plutôt que de recycler ceux qui ont été créés par d’autres. 

 

 

Comment apprendre les kanjis et les caractères chinois

Petites précisions avant de répondre:

  • Je ne connais à peu près rien sur la structure du japonais et des autres langues asiatiques. Je vais donc me contenter d’exprimer quelques généralités. À vous d’ignorer et d’adapter ce que je dis aux particularités de ce que vous étudiez. Si par exemple les caractères plus complexes sont en fait des combinaisons d’une série de caractères plus simples, à vous de prendre ce fait en compte en vous concentrant d’abord sur l’apprentissage de ces éléments plus fondamentaux.
  • Si, pour un francophone, l’apprentissage d’une langue comme l’espagnol, le portugais ou l’italien peut être fait relativement rapidement, l’apprentissage d’une langue qui n’a à peu près rien en commun avec la nôtre est un gigantesque projet dont il ne faut pas sous-estimer l’ampleur. Ça va rester vrai même si vous êtes particulièrement brillant et motivé et que vous utilisez des techniques de mémorisation.
  • Comme pour n’importe quoi, je n’ai pas le choix de rappeler l’importance de l’effet test et de la répétition espacée, que ce soit avec ou sans techniques de mémorisation plus “créatives”. Si je souhaitais apprendre les kanjis japonais, c’est certain que je devrais passer plusieurs éternités à les étudier sur Anki ou sur un outil équivalent.

Cela dit, je pense effectivement que l’apprentissage de ces caractères peut être grandement facilité par l’utilisation de différents “trucs” et images.

Dans une conférence de Ed Cook, l’un des personnages excentriques et intéressants qu’on peut apprendre à découvrir en lisant le livre Moonwalking with Einstein, des exemples de mnémoniques sont présentées pour les kanjis japonais pour “nouilles”, “femme” et “homme”. À gauche se trouvent les kanjis, à droite se trouve ce qu’on peut imaginer pour retenir leur signification.

Génial! Ces trois symboles deviennent soudainement particulièrement faciles à retenir. Sauf qu’on parle ici de trois symboles relativement simples dont le sens peut facilement être représenté en images. Qu’en est-il pour les symboles plus complexes et ceux dont les significations sont plus abstraites? Comment, par exemple, représenter la signification d’un mot comme “inoxydable” ou “exorbitant”? C’est plus difficile, mais oui je pense encore que les techniques de mémorisation peuvent continuer d’être utiles. Au lieu de vous expliquer théoriquement comment faire, je vais choisir au hasard 5 symboles difficiles en mandarin et 5 mots difficiles en français. Puis je vais associer au hasard chacun de ces 5 symboles avec l’un des mots difficiles et prétendre, juste pour l’exercice, que c’est là leurs réelles significations et que je souhaite tous les retenir.

Je vais commencer par entrer “chinese caracters” sur Google image. Ci-dessous, l’une des premières images que j’ai trouvées. J’ai encerclé 5 symboles au hasard qui ne me semblent pas particulièrement faciles. 

Puis je vais chercher 5 mots en français que la plupart d’entre nous connaissons déjà, mais qui peuvent difficilement être représentés en image. Je choisis rapidement ceux-ci:

  • Procrastination (action de remettre quelque chose à plus tard)
  • Algèbre
  • Synonyme
  • Pédagogie
  • Étymologie (étude de l’origine des mots)

Bon bon bon… Avouez que je ne me suis pas donné une tâche trop facile. Je vais maintenant placer nos 5 symboles difficiles avec leurs (complètement fictives) traductions respectives et tenter d’improviser une façon de les retenir. Je vous jure que j’ai tout choisi complètement au hasard avant d’improviser le reste. Je place toutes mes super idées dans un tableau pour mieux vous expliquer. Tout ce qui est rouge a été ajouté par moi-même pour être un peu plus clair. 

Notez qu’il faut se rappeler que les techniques de mémorisation n’ont pas toujours besoin d’être visuelles. Les images qu’on peut facilement se représenter sont bien merveilleuses, mais on peut aussi choisir d’utiliser des concepts beaucoup plus abstraits et absurdes. Si cela nous aide à retenir quelque chose, rien ne nous empêche d’imaginer que telle petite ligne est amoureuse de telle autre ou encore que telle section du symbole étudié est en fait le logo d’une association de philosophes nihilistes. Whatever works.

Dernier exemple pour illustrer cela. Prenons ce petit symbole à gauche et supposons qu’il signifie “colère”. Nous pourrions alors prendre la ligne verticale au milieu et imaginer qu’elle est “en colère” de devoir trainer toutes les autres petites lignes autour. Les petites lignes aussi peuvent avoir des émotions! Ou si le symbole signifie plutôt “démocratie”, on pourrait remarquer le Z dans la partie inférieure et se dire que nous vivons dans un simulacre de démocratie visant à endormir (Zzzzzz = dormir) le peuple. Ou encore, nous pourrions imaginer que les citoyens d’un pays lointain votent toujours en apposant un Z sur leurs bulletins de vote.

Ça m’a pris un moment pour taper tout cela, mais improviser les différents trucs ne m’a pris que quelques secondes à peine. Bien entendu, si je ne faisais ça que pour moi-même, je n’aurais pas besoin de tout mettre par écrit. Ou si je choisissais de noter quelque chose, ce ne serait que quelques mots-clés retranscrits très rapidement. Pour “pédagogie”, je pourrais peut-être noter “Prise de courant électrocute enfants”, mais je n’irais pas davantage dans les détails. Je n’ai aucun doute que tous ces trucs idiots me permettraient de retenir la signification de ces symboles beaucoup plus facilement et à beaucoup plus long terme.

Juste pour voir, prenez donc un instant pour vous concentrer sur chaque symbole, sur sa signification et sur le truc que vous avez choisi pour la retenir. Puis cliquez ici pour vérifier si vous pouvez les reconnaitre lorsqu’ils sont présentés dans le désordre.

Dernières précisions:

  • Bien entendu, ici les trucs nous permettent surtout de plus facilement se souvenir de la signification des différents symboles. C’est plus difficile de faire le contraire, c’est-à-dire de bien parvenir à dessiner le symbole pour “nouilles” ou peu importe sans avoir aucun autre point de repère. Pour parvenir à cela, oui les trucs peuvent aider, mais cela reste bien sûr nécessaire que de se pratiquer et de se mettre à l’épreuve régulièrement, en y allant étape par étape.
  • Comme pour bien d’autres choses, ce genre de trucs est surtout utile durant les premières étapes de l’apprentissage. À mesure que l’on parvient à développer une certaine habileté avec la langue étudiée, on peut commencer à réfléchir plus directement dans la langue en question, en ayant de moins en moins souvent besoin d’utiliser des traductions et/ou des images farfelues.
  • C’est possible que le fait d’improviser ce genre de trucs vous semble être beaucoup de travail. De mon côté, tout cela se fait extrêmement rapidement et ça rend le processus d’apprentissage beaucoup plus facile et agréable. J’ai bon espoir qu’avec un peu d’entrainement, la même chose pourrait devenir vraie pour vous. Cela dit, si vous préférez procéder autrement, rien ne vous force à utiliser ce type de méthodes.

 

Comment dealer avec les homophones et les langues tonales

Encore une fois je n’ai pas d’expérience avec l’apprentissage des langues tonales et je ne parle qu’en termes de généralités. Je vais commencer par préciser que je ne crois pas nécessairement que les techniques de mémorisation devraient être utilisées dans 100% des circonstances. On peut les utiliser dans la mesure où cela nous semble utile ou nécessaire ou amusant. Et on peut les laisser de côté le reste du temps. Notre mémoire naturelle peut elle aussi être très puissante lorsqu’on fait l’effort de s’en servir, qu’on se met à l’épreuve et qu’on utilise la répétition espacée. Si je dois apprendre 4 mots qui sonnent vaguement comme “chuan” (je viens d’inventer ça), mais dont la signification change complètement selon le contexte où selon le ton qui est utilisé, peut-être que je vais à chaque fois utilisé un mnémonique avec un chien (“chuan” sonne vaguement comme “chien”) qui fait différentes choses correspondant à la signification des différents mots. Pour me démêler entre ces 4 mots similaires, il me restera encore la pratique, la répétition et la concentration.

Cela dit, même dans des cas comme ceux-ci, il reste des façons d’utiliser des techniques de mémorisation pour, si on le souhaite, dissiper les risques de confusion. Vous pourriez, par exemple, avoir une façon prédéterminée de distinguer les quatre grandes tonalités du mandarin. Vous pourriez décider que les mots utilisant la première tonalité seront en feu, ceux utilisant la deuxième seront glacés, ceux utilisant la troisième seront blessés et couverts de sang et finalement ceux utilisant la quatrième seront éblouissants et aveuglants comme le soleil. Ou encore, chaque tonalité pourrait être associée à une émotion ou une attitude (la colère, la surprise, la joie, la peur, le dégoût, la tristesse, le rire) et vous pourriez vous efforcer d’associer les émotions en question (que cela ait du sens ou non) aux mots que vous souhaitez retenir. Ce ne sont que des exemples et le même type de méthodes peut bien entendu être adapté à une multitude de circonstances. Une méthode similaire peut être utilisée pour distinguer les mots masculins, féminins ou neutres en allemand. Si vous avez un système pour la mémorisation des chiffres, vous pourriez aussi choisir de recycler certaines parties pour des situations particulières. Peut-être qu’une certaine langue a 10 types de verbes irréguliers et que vos images pour les chiffres 11 à 20 (par exemple) pourraient être utilisées pour les distinguer?

Finalement, je vais vous référer à l’excellent blogue d’Alex Mullen, étudiant en médecine et deux fois champion du monde de mémorisation. Celui-ci a écrit quelques articles où il explique la méthode qu’il a utilisée pour commencer à apprendre le mandarin.

Je n’ai pas encore tout lu, mais j’ai cru comprendre qu’il utilise des palais de mémoire et que l’emplacement des différentes images lui permettait de savoir quelles tonalités utiliser.