La mauvaise nouvelle concernant la mémorisation à long terme*:
- Même si vous pratiquez religieusement toutes les merveilleuses techniques enseignées sur ce site et que vous parvenez à devenir un expert ou une experte en mémorisation, vous aurez toujours besoin d’au moins quelques révisions pour retenir ce que vous souhaiterez retenir à beaucoup plus long terme. Il arrive parfois que certains individus soient déçus par ce fait. Ils espéraient apparemment que les palais de mémoire ou d’autres méthodes allaient leur permettre de “tout retenir” éternellement. Sans faire d’efforts et sans ne jamais devoir réviser. Toutes mes excuses si le titre de ce site vous a induit en erreur. Si vous cherchez une pilule magique, vous n’en trouverez pas ici et vous n’en trouverez pas ailleurs non plus. Se bourrer le crâne une journée et passer son examen le lendemain, c’est une chose. Retenir durant toute votre vie tous les concepts les plus importants de votre domaine d’étude, ça en est une autre.
Les bonnes nouvelles:
- Il existe théoriquement des limites à la quantité d’informations qu’un cerveau peut parvenir à retenir, mais jusqu’à preuve du contraire, aucun être humain n’est jamais parvenu à s’en approcher. Lorsqu’on ne sait pas comment s’y prendre, la mémoire à long terme peut sembler fonctionner comme un bocal qui déborde lorsqu’il est plein. Or, lorsqu’on sait comment l’utiliser intelligemment, elle fonctionne davantage comme une toile d’araignée qui peut s’agrandir à l’infini. Mieux encore: plus la toile s’élargit et se solidifie, plus elle peut “capturer de nouvelles proies” avec facilité.
- Si ce que vous mémorisez est ensuite utilisé à l’occasion dans le cadre de votre vie ou de votre travail, c’est là une forme de révision qui est particulièrement puissante. Dans bien des cas, les informations ainsi utilisées n’auront pas besoin d’être révisées autrement.
- Même les informations particulièrement difficiles et “inutiles” auxquelles vous ne pensez pratiquement jamais peuvent être conservées dans votre mémoire à long terme aussi longtemps que vous le souhaitez. Une fois franchies les un peu plus exigeantes premières étapes de l’apprentissage, à peine quelques révisions par année peuvent être suffisantes. Cela peut parfois même être bien moins. Essentiellement, vous n’oublierez que ce que vous choisissez de laisser de côté. Pour ce faire, il n’y a que deux concepts simples qui doivent absolument être compris et mis en pratique: la mise à l’épreuve (“retrieval practice”) et la répétition espacée. Ces deux concepts ont démontré maintes et maintes fois leur efficacité dans d’innombrables études scientifiques.
- Pour les apprenants ambitieux, ce n’est pas toujours simple que de gérer l’horaire de toutes les révisions qui sont nécessaires. Heureusement, certaines applications gratuites ou abordables comme Anki peuvent énormément faciliter le processus.
- Toutes les techniques de mémorisation farfelues (palais de mémoire et autres) qui sont enseignées sur ce site sont utiles, mais elles ne sont pas indispensables. Je pense que ces techniques sont bien merveilleuses et qu’elles permettent de rendre l’apprentissage initiale plus facile et amusant tout en diminuant le nombre de révisions nécessaires. Cela dit, si vous le souhaitez, vous pouvez très bien choisir de vous en passer. Vous trouvez que les techniques à base d’images et d’histoire sont bébés ou trop compliquées ou juste pas votre tasse de thé? Dommage. Je pense que vous vous trompez au moins en bonne partie, mais ça ne fait pas de vous un cas désespéré. En autant que vous preniez régulièrement la peine de combiner la mise à l’épreuve avec la répétition espacée, il n’y a pas vraiment de limites à ce que vous pouvez parvenir à retenir.
- Si vous êtes étudiant, je pense que vous devriez immédiatement commencer à mettre en pratique ce qui est enseigné sur cette page. Contrairement aux palais de mémoire, il n’est pas nécessaire de passer un moment à se renseigner et à “s’entrainer” pour tirer pleinement partie du potentiel de la mise à l’épreuve et de la répétition espacée. Les résultats vont clairement commencer à se manifester dès aujourd’hui.
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* [Notez que pour ceux et celles qui comme moi peinent souvent à se discipliner, il y a malheureusement une autre “petite mauvaise nouvelle” qui vaut la peine d’être mentionnée. Je vais en reparler au bas complètement de cette page.]
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Deux concepts incontournables pour la mémorisation à long terme: la mise à l’épreuve et la répétition espacée
Je l’ai déjà dit et redit sur cette page et sur bien d’autres pages de ce site: vous pouvez accomplir bien des miracles seulement en vous contentant de mettre en pratique ces deux principes. Leur efficacité est on ne peut plus clairement démontrée par les multiples études sur le sujet. Je vais d’abord vous expliquer ce en quoi ils consistent. Puis je vais vous recommander différentes façons de les combiner et de les mettre en pratique, notamment à l’aide de logiciels gratuits ou abordables comme Anki.
Précision: Les ouvrages et les études que j’ai lu parlent principalement de “retrieval practice” pour décrire le processus que je vais expliquer ci-dessous. L’expression “mise à l’épreuve” n’est que ma tentative personnelle de trouver un équivalent simple en français.
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Comment utiliser efficacement la mise à l’épreuve
En quelques mots: Au lieu de juste lire ou relire, écouter ou réécouter, on se pose des questions, on se force à y répondre sans tricher, on identifie nos erreurs, on les corrige et on recommence aussi fréquemment nécessaire.
En plusieurs mots: C’est facile de relire ses notes dix fois en ayant l’impression de bien saisir la matière, mais cette impression n’est souvent qu’une illusion. Le fait qu’une information vous semble familière ne signifie pas que vous allez être en mesure de la reproduire plus tard quand ce sera nécessaire. Peut-être parviendrez-vous à cocher la bonne case dans un examen à choix de réponses, mais n’allez pas confondre cela avec un réel apprentissage à long-terme. La “retrieval practice” ou la mise à l’épreuve est une forme de révision beaucoup plus exigeante, mais aussi beaucoup plus efficace. Elle consiste principalement à régulièrement fermer ses livres pour se poser des questions et pour vérifier si l’on peut reproduire l’information en ses propres mots. L’utilité de ce type d’auto-examen est loin de se limiter à l’identification de ses faiblesses. Même pour ce que vous connaissez déjà, l’acte de devoir chercher l’information dans votre tête et de devoir la formuler verbalement ou à l’écrit a pour effet de fortement renforcer les corrections neuronales liées à ce souvenir. Vous pouvez aussi choisir de simplement “expliquer” ce que vous avez retenu silencieusement dans votre tête, mais sachez que cela diminue légèrement l’efficacité de l’exercice.
Supposons que vous souhaitez retenir que “Gaborone est la capitale du Botswana”. Vous pouvez vous contenter de lire ou d’entendre cette information une ou deux ou dix fois, mais si vous n’y portez pas davantage attention, les chances sont que vous allez l’oublier en quelques heures ou quelques minutes, voir même en quelques secondes. Mais si vous attendez un moment avant de vous demander “Quelle est la capitale du Botswana?”, le souvenir que vous allez créer en répondant à cette question sera beaucoup plus fort.
Pour les informations que vous découvrez que vous êtes pour l’instant incapables de reproduire, non seulement vous venez de vous rendre service en identifiant des lacunes à combler, mais vous avez aussi fortement augmenté les probabilités que votre prochaine révision soit la bonne. Si je vous pose une question à laquelle vous ne savez pas la réponse, vous ne saurez pas quoi dire sur le coup, mais vous allez consciemment ou inconsciemment avertir votre cerveau qu’il s’agit là d’une information importante. Lorsque l’information vous sera présentée à nouveau, vous serez beaucoup plus susceptible de bien y porter attention.
Attention: Si vous vous posez une question quelques secondes à peine après avoir lu la réponse, c’est un peu une forme de triche. L’information va encore être en train de flotter dans votre mémoire à court terme. La répéter ne demandera que bien peu d’effort. Le souvenir ainsi créé sera bien peu solide. Il n’y a rien de mal à commencer de cette façon, mais seulement à condition de vous reposer la même question plus tard, sans tricher cette fois-ci. Les questions qui sont trop faciles à répondre sont généralement les moins utiles.
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La mise à l’épreuve avec des sujets simples:
On se pose une question simple à laquelle il est possible de répondre en un mot ou en quelques mots. “Qui était le président des États-Unis pendant la Deuxième Guerre mondiale?”, par exemple. C’est généralement de cette façon qu’on vous recommande de procéder lorsque vous utilisez des flashcards ou des logiciels de répétition espacée (explications à ce sujet plus bas sur cette page). Si vous souhaitez retenir tous les principaux éléments d’une phrase ou un paragraphe plus complexe, vous pouvez commencer par les diviser en éléments plus simples. Une phrase comme, par exemple, “Entré en vigueur en janvier 1994, l’Accord de libre-échange nord-américain (Alena) a fixé les règles des échanges commerciaux entre le Mexique, les États-Unis et le Canada”, peut facilement être divisée en au moins trois questions*: 1- “Quel important accord commercial est entré en vigueur en 1994?” 2- En quelle année l’Accord de libre-échange nord-américain (Alena) est-il entré en vigueur? 3- Quels sont les pays signataires de l’Alena?
Bien entendu, c’est trois questions ne sont nécessaires que si ces informations sont nouvelles pour vous et qu’il est pertinent pour vous de les mémoriser. Si vous saviez déjà ce qu’est l’Alena et que vous souhaitez seulement retenir l’année où le traité est entré en vigueur, vous pouvez ignorer les deux autres questions. Ou encore, si les détails ne sont pas importants, vous pouvez choisir de ne pas retenir le nom et l’année du traité et uniquement vous concentré sur le fait que ces trois pays ont signé un important accord commercial au courant des années 1990.
* Les phrases trouées peuvent servir d’alternative au classique format question/réponse. “Entré en vigueur en janvier 1994, […] a fixé les règles des échanges commerciaux entre le Mexique, les États-Unis et le Canada” serait un exemple de phrase trouée. Anki et bien d’autres logiciels de répétition espacée ont des fonction permettant de créer rapidement des questions de ce type.
** Bien des enseignants et bien des logiciels d’apprentissage utilisent les questions à choix de réponse. C’est là une excellente manière d’augmenter la moyenne de la classe et de donner un sentiment de satisfaction aux apprenants. Mais ce n’est malheureusement pas une bonne façon de favoriser la rétention à long terme.
Lien optionnel complémentaire: Comment créer des flashcards plus mémorables
La mise à l’épreuve avec des sujets complexes:
Le format simple que l’on vient de décrire (questions et réponses courtes) convient à la plupart des situations. Il est parfait notamment pour se préparer à un examen de questions à réponses courtes. Pour les sujets plus complexes, rien de vous empêche de les diviser en une série de sous-éléments plus simples que vous pourrez étudier séparément. Procéder de cette façon est bien suffisant pour acquérir une courte ou une longue série de connaissances et pour comprendre les bases d’un domaine. Cependant, si vous souhaitez développer des compétences beaucoup plus avancées, vous allez tôt ou tard devoir vous tourner vers des méthodes plus exigeantes.
Lien optionnel complémentaire: Comment utiliser la mise à l’épreuve pour maitriser des sujets complexes
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Comment utiliser efficacement la répétition espacée
En quelques mots: On révise fréquemment durant les premières étapes de l’apprentissage, puis de moins en moins souvent par la suite.
En plusieurs mots: Je vous ai déjà dit que même si vous devenez un expert dans l’utilisation de l’art de la mémoire, vous allez tout de même devoir réviser l’information de temps à autre. Mais devriez-vous réviser une fois de temps en temps lorsque cela adonne? Un peu tous les jours? Intensivement pendant une semaine? Il s’agit d’un sujet qui a été amplement étudié et la méthode qui est de loin la plus efficace se nomme la répétition espacée.
L’intervalle de révision “idéal” va varier selon l’individu, selon l’information qui est mémorisée et selon vos objectifs. Mais dans tous les cas, les principes de base vont rester les mêmes. On révise aussi souvent que nécessaire au commencement. Dès que l’on commence à pouvoir répondre à nos questions sans trop de difficultés, on commence à espacer les révisions.
Si vous attendez trop longtemps entre vos révisions, vous risquez de devoir tout réapprendre. Et si vous n’attendez pas assez longtemps, la plupart de vos révisions seront largement inutiles. Un peu comme si vous passiez le balais quatre fois la même journée dans la même pièce. Vous vous en sortirez très bien tant que vous resterez quelque part entre ces deux extrêmes.
Quelques principes généraux:
- Initialement, on révise l’information aussi souvent que nécessaire pour être en mesure de s’en souvenir le lendemain. Dans la plupart des cas, une ou deux ou trois révisions le jour même devrait être bien suffisant. Je parle de façon générale. Cela va dépendre principalement de vos habiletés, de votre niveau d’éveil, de la qualité de la nuit que vous vous apprêtez à passer et bien entendu de la quantité et de la complexité des informations que vous mémorisez. N’hésitez pas à réviser davantage si vous pensez en avoir besoin.
- Le lendemain, on vérifie si l’on est toujours en mesure de se souvenir de ce qu’on appris la veille. Si vous pouvez répondre comme il faut, prenez une seconde pour apprécier la microdose de dopamine produite par votre cerveau et félicitez-vous d’être l’étudiant le plus extraordinaire de toute l’histoire de l’humanité. Vous êtes maintenant officiellement prêt à commencer à espacer vos révisions. Plus un souvenir devient solide, plus le délais entre chaque révision va devenir long. La façon précise dont vous allez choisir d’espacer vos révisions peut varier selon vos préférences personnelles, selon la difficulté de l’information mémorisée et sur le taux de rétention que vous visez. Nous reparlerons bientôt des différents schémas de révision possibles.
- Encore une fois: on ne révise pas simplement en relisant ou en réécoutant! On révise en se posant des questions et en vérifiant si l’on peut y répondre sans tricher! Est-ce que je vous ai déjà parlé de l’importance de la “mise à l’épreuve” ou “retrieval practice”?
- Comme dans bien d’autres domaines, un minimum d’efforts est nécessaire pour parvenir à de bons résultats. Cela signifie qu’il faille se discipliner et s’auto-botter les fesses avec suffisamment de violence pour faire les révisions lorsque l’heure sonne. Cela signifie aussi que pour que vos révisions soient aussi efficaces que possibles, idéalement elles devraient être légèrement difficiles. Un plus petit nombre de révisions qui sont effectuées aux bons moments et qui ne sont ni trop faciles, ni trop difficiles, voilà ce qui semblent créer les souvenirs les plus durables à long terme. Si je vous pose une question et que vous avez besoin de deux ou trois secondes avant de parvenir à y répondre, le petit effort que vous allez devoir faire pour retrouver l’information (“retrieval practice”) sera on ne peut plus bénéfiques.
- Si vous n’êtes pas en mesure de répondre adéquatement, revenez au point de départ. Si vous utilisez différentes formes de mnémoniques, normalement cela devrait vous permettre de considérablement augmenter votre pourcentage de bonnes réponses. Mais même dans les meilleures circonstances, c’est normal de parfois faire des erreurs et d’avoir besoin de quelques essais avant d’ancrer plus durablement une information difficile dans votre mémoire à long terme.
Erreurs à éviter:
- Comme mentionné précédemment, il faut viser un juste milieu entre des révisions beaucoup trop rares et des révisions qui sont inutilement trop nombreuses. La principale erreur à éviter, c’est bien sûr d’attendre trop longtemps et d’être pris pour réapprendre la majorité de ce que vous avez déjà étudié. Ou peut-être êtes-vous encore en mesure de retrouver une bonne partie des bonnes réponses, mais c’est juste beaucoup trop long et difficile. Se retrouver trop souvent dans ce type de situation peut être bien épuisant et parfois un peu décourageant. Le processus de réapprentissage est généralement plus rapide et plus facile que l’apprentissage initial, mais cela reste généralement préférable de s’épargner cette tâche.
- D’un autre côté, des révisions trop fréquentes sont non seulement inutiles, elles peuvent parfois même être contre-productives. Pourquoi? Parce que si 100% de vos révisions sont ultra-faciles, vous ne forcez jamais votre cerveau à devoir faire un effort pour retrouver une information. Or, c’est ce petit effort qui permet de cimenter plus durablement l’information dans votre mémoire à long terme. À long terme, cinq révisions effectuées aux bons moments sur une plus longue période seront probablement plus efficaces que 20 ou même 100 révisions condensées sur deux jours.
- Réviser plus ou moins immédiatement ce que vous venez d’apprendre pour la première fois est souvent une bonne idée. Réviser ce que vous avez appris hier et que vous craignez d’oublier est aussi souvent une bonne idée. Mais une fois ces premières étapes franchies, il faut éviter d’opter pour les options les plus faciles et les plus confortables. Réviser ce que vous connaissez déjà plutôt bien peut être agréable. Chaque bonne réponse vous donne une petite dose dopamine et un petit sentiment de satisfaction. Mais bien sûr, il est beaucoup plus productif de concentrer en premier lieu votre attention et votre énergie vers les blocs de matière qui vous causent davantage problème.
- Cela dit, à mon avis ça ne vaut généralement pas la peine de passer bien du temps à se demander si votre façon de réviser est parfaitement optimale. Vous souhaitez bien sûr éviter de ne jamais réviser ou presque ou au contraire de réviser constamment des trucs que vous connaissez déjà. Mais en autant que vous faites un effort sincère et que vous ne tombez pas dans un extrême ou dans l’autre, j’ai toutes les raisons de croire que vous vous en sortirez très bien.
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– Attention à l’illusion de compétence! L’illusion de compétence, ou “fluency illusion” si vous préférez, s’est l’impression que l’on ressent lorsque nous sommes exposé à un sujet qui nous semble bien familier, mais qu’en réalité nous ne maitrisons pas. Vous relisez vos notes ou vous réécoutez un extrait vidéo et vous reconnaissez avoir déjà vu ou entendu son contenu dans le passé. Vous confondez cette impression de familiarité avec de réelles connaissances. Vous pensez à tort que vous serez en mesure de retrouver l’information lorsque vous en aurez besoin. Wrong! Vous allez probablement pouvoir répondre correctement à une question à choix de réponses, mais vous risquez fort d’être pris au dépourvu dans les contextes où aucun indice ne vous sera offert. Plus vous passez du temps à relire vos notes sans ne jamais réellement vous mettre à l’épreuve, plus l’illusion de compétence devient forte. Ce phénomène est la cause première des cas où des étudiants se retrouvent avec des notes désastreuses pour des examens pour lesquels ils avaient pourtant l’impression de s’être très bien préparé. – |
Attention de ne pas tomber dans le piège de toujours vouloir “Tout Retenir”!
Vouloir “tout retenir” sur un sujet est une erreur que j’ai commise maintes et maintes fois dans le passé et que je risque fort de refaire dans le futur. Je répète encore une fois que le titre de ce site a été choisi dans le but d’être simple et mémorable, pas pour qu’il soit interprété littéralement. Du moins, pas dans la plupart des situations. C’est possible à plus long terme d’emmagasiner un bagage de connaissance extrêmement vaste et impressionnant, mais tenter de tout faire en même temps est loin d’être la meilleure façon d’en arriver là. Il faut procéder étape par étape, en conservant un bon rythme, mais en ralentissant aussi souvent que nécessaire.
C’est possible de “tout retenir” le contenu d’un document, d’un chapitre ou même d’un livre, mais il y a toujours un prix à payer. Le temps étant une ressource rare et non renouvelable, cela vaut la peine de réfléchir un moment aux façons dont vous souhaitez l’utiliser. En ignorant la majorité des détails et en se concentrant sur un nombre plus limité de concepts et de faits cruciaux, la quantité de matière qu’il devient possible de couvrir de cette façon augmente de façon exponentielle. Préférez-vous retenir mot à mot parfaitement un seul chapitre d’un seul livre? Ou relativement bien retenir et comprendre les grandes lignes d’une multitude de livre? Les chances sont que de mémoriser parfaitement la totalité d’un seul chapitre va vous demander davantage de temps et d’efforts que de simplement retenir les grandes lignes de 5 ou 10 livres.
À vous de voir, mais je vous recommande d’être sélectif avec ce que vous choisissez de mémoriser. Avant de créer une flashcard pour quelque chose, demandez-vous si cela en vaut la peine. Si vous vous êtes lancé un défi personnel du type “je veux connaître tous les insectes”, c’est une chose, mais si vous étudiez pour un examen, il ne sert à rien de vouloir retenir l’ensemble de votre manuel. N’hésitez pas à ignorer complètement ou presque une grande partie de vos livres, de vos notes et de vos objectifs. N’hésitez à en mettre de côté, que ce soit de façon temporaire ou permanente. Si vos objectifs d’étude ou d’apprentissage sont trop souvent trop ambitieux, tôt ou tard vous allez vous retrouver débordé par l’ampleur de la tâche et par la quantité de révisions à faire. Et ce même avec les techniques les plus avancées, la plus grande discipline et la meilleure volonté du monde.
Concentrez-vous d’abord sur les 20% ou 5% ou 1% des informations qui vous semblent être les plus importantes et les plus intéressantes. Soyez initialement impitoyable dans votre processus de sélection. Une fois que vos objectifs les plus prioritaires auront été atteints, vous pourrez toujours choisir de vous attaquer à de nouveaux. Et si vous pouvez faire preuve d’assez de persévérance pour réviser un peu, brièvement mais fréquemment, à plus long terme vous serez ravis de tout ce que vous parviendrez à mémoriser.
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Votre nouveau meilleur ami s’appelle Anki (ou l’une de ses alternatives)
Anki est un logiciel gratuit qui combine la répétition espacée avec certains éléments de “retrieval practice”. Ne vous laissez pas intimider par l’apparente complexité du logiciel. Vous pouvez reconfigurer le tout d’une tonne de façons, mais à la base vous n’avez qu’à écrire quelque chose d’un côté d’une “flashcard” virtuelle et l’information correspondante de l’autre côté. Vous pouvez ainsi créer des dizaines, des centaines ou des milliers de flashcards virtuelles. Anki va se charger de vous poser des questions. Vous n’aurez même pas besoin de taper les réponses. Vous qu’à indiquez si vous étiez ou non en mesure de vous souvenir de la bonne réponse, et si ça a été facile ou difficile que de retrouver l’information. Selon vos réponses, Anki va s’occuper de juger à quel moment il convient de vous reposer la question. Éventuellement, vous pourrez entretenir le souvenir durable pour littéralement des milliers d’éléments d’information, le tout avec un minimum de révision. Et sans avoir à calculer vous-même à quel moment il convient de réviser tel ou tel truc.
Cliquez ici pour des explications supplémentaires et/ou pour télécharger Anki
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[Cliquez ici pour une version beaucoup plus complète de la section ci-dessous, pour des suggestions concernant les différents plans de révisions possibles et pour des précisions sur la questions de la pertinence du bourrage de crâne dans certaines situations]
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Quelques protocoles de révision possible:
- Le plus simple à mettre en application: On s’en remet à l’algorithme de base d’un logiciel comme Anki. Et on résiste à la tentation d’aller jouer dans les options.
- Le plus facile à retenir: Pour chaque bonne réponse obtenue sans tricher, on peut se permettre de plus ou moins doubler le délai d’attente jusqu’à la prochaine révision. Ce n’est pas exactement ce qui est utilisé avec Anki, mais ce n’est pas bien loin non plus. Ce n’est là qu’une règle générale qui se veut simple et facile à retenir. Vous pouvez choisir d’être plus ambitieux et de réviser un peu moins fréquemment. Ou vous pouvez choisir d’être plus prudent et de réviser davantage.
- Une version presque aussi simple et beaucoup plus conservatrice pourrait être de multiplier par plus ou moins 1.5 nos délais d’attente entre chaque révision. En arrondissant et en y allant de façon un peu approximative, cela nous donne quelque chose comme 1 jour, 2 jours, 3 jours, 5, 8, 12, 18, 25, 40 jours, 2 mois, 3 mois, 4 mois, 6 mois, 9 mois, 1 an, 18 mois, 2 ans…
- Le moins contraignant: On garde en tête tous les principes de base de la répétition espacée, mais on ne révise essentiellement que quand bon nous semble, en se basant sur notre intuition et sur nos préférences personnelles. Cette façon de procéder est bien risquée, mais elle peut très bien fonctionner avec les individus particulièrement bien organisés et disciplinés. Ou avec ceux et celles qui n’ont que relativement peu de choses à réviser. Ou encore, avec ceux et celles qui sont habiles et expérimentés avec la construction de palais de mémoire.
- Possiblement le plus efficace, mais aussi le plus complexe à mettre en pratique: On varie notre approche selon la nature des informations mémorisées et selon leur niveau d’importance à nos yeux. On ajuste les options de Anki de façon à ce que nos différentes séries de flashcards soient révisées plus ou moins fréquemment selon leur importance. On révise certains palais de mémoire plus régulièrement que d’autres. On ajuste notre façon de faire selon les résultats obtenus et selon nos priorités du moment… Si vous pouvez parvenir à la mettre en pratique de façon intelligente, cette façon de procéder est théoriquement la plus flexible et la plus efficace. Mais je suis loin d’être certain que je devrais vous la recommander. Plus un plan est complexe, plus c’est facile de se planter au moment de le mettre en application. Et plus c’est tentant d’abandonner.
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Une règle particulièrement fondamentale à garder en tête dans plus ou moins tous les domaines:
Le “bon” plan que vous allez parvenir à suivre de façon durable sera toujours infiniment meilleur que le plan parfait que vous ne suivrez pas.
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Quelques précisions importantes:
- Si vous utilisez fréquemment ce que vous avez appris dans le cadre de vos études ou de votre travail, chacune de ces utilisations va jouer le rôle d’une forme de révision particulièrement efficaces. Si vous savez déjà que vous allez fréquemment faire usage de ce que vous avez mémorisé, vous n’avez pas nécessairement besoin de planifier des révisions supplémentaires. Pour tout le reste – pour toutes les informations importantes que vous souhaitez retenir sans nécessairement vous y référer fréquemment – vous allez devoir vous trouver des moments pour les réviser.–
- Visez 100% de rétention, c’est bien plus exigeant que de viser 90%. Parvenir à répondre correctement à environ 90% de vos flashcards, c’est tout simple. C’est généralement ce que va produire l’algorithme de base de Anki. Passer de 90% de bonnes réponses à 99% ou 100%, ce n’est pas sorcier non plus, mais cela demande un bien plus grand nombre de révisions. Il semble que certains types d’erreurs et d’inexactitudes dans nos souvenirs soient plus persistants que d’autres. C’est un peu comme la différence entre faire le ménage pour rendre son appartement présentable versus faire le ménage en cherchant faire disparaitre toute trace de poussière ou de saleté, aussi minuscule soit-elle.
- Ces différents protocoles sont basés sur la révision d’informations isolées et prises séparément. Si vous traitez la mémorisation d’un long texte ou d’un important bloc de matière comme s’il ne s’agissait que d’une seule tâche et que vous révisez toujours l’ensemble d’un seul trait, cela va changer la donne. Les risques de petites erreurs vont être plus élevés. Parvenir à toutes les éliminer va vous demander des révisions plus fréquentes. Pourquoi donc? Parce votre long texte ou votre bloc de matière représente en fait une multitude d’éléments d’informations. Certains de ces éléments auraient théoriquement besoin d’être révisés plus fréquemment, d’autres moins. En vous attaqueant toujours à l’ensemble d’un seul coup, vous allez vous retrouver à réviser inutilement souvent des informations que vous connaissez déjà bien. Ou encore, vous risquez de ne pas accorder aux sections les plus difficiles toute l’attention dont elles auraient besoin.
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Les protocoles de révision que je préfère:
- Pour les informations d’importance modérée ou faible: Je vais me fier à l’algorithme d’Anki ou à quelque chose de similaire. Les intervalles de révision seront plus ou moins doublés à chaque bonne réponse.
- Pour les informations d’importance élevée: Les premières révisions vont être espacées plus ou moins de la même façon. Une fois rendu à l’étape où je peux attendre 2 mois avant la prochaine révision, le protocole de révision va devenir plus conservateur. À chaque bonne réponse, je prendre l’intervalle de révision précédent et lui ajouter 2 mois. Les périodes d’attente suivantes seront donc de 4 mois, puis 6, 8, 10, 12, 14, 16 mois et ainsi de suite. Pour moi, c’est une façon de conserver un très bon taux de bonnes réponses sans pour autant être débordé par la fréquence des révisions.
- Pour les informations d’importance prioritaire: Les premières étapes restent encore les mêmes, mais la limite ultime ne dépassera jamais 2 mois. Pour ces informations qui me semblent en valoir la peine, je vais théoriquement toujours continuer de les réviser tous les 2 mois, environ 6 fois par année.
* Cette façon de faire n’est certainement pas “la meilleure” ou la plus scientifiquement optimisée. Ce n’est que l’expression de mes préférences personnelles subjectives.
* Si je révise souvent plus fréquemment que ce que suggère Anki, c’est en partie pour augmenter le taux de bonnes réponses. C’est aussi parce que j’éprouve un certain plaisir à pouvoir me remémorer de quelque chose avec rapidité et facilité, sans avoir à fouiller longtemps dans de lointains souvenirs difficiles d’accès.
* Quand je parle de “l’importance” relative des différentes informations, c’est une façon de parler. En ce qui me concerne, c’est surtout lié à mon niveau de motivation, à quel point je souhaite être en mesure de réciter tout cela avec rapidité et facilité plus ou moins n’importe quand. Ça ne veut pas dire que la rétention de tout cela est une question de vie ou de mort.
*Si je souhaite connaitre quelque chose parfaitement à une date précise, il va sans dire que des ajustements vont être nécessaires. Le plan global devra être condensé. Des révisions supplémentaires vont avoir lieu durant les 24 ou 48 heures précédents la date fatidique.
*Notez que les plans de révisions présentées ci-dessous commencent le lendemain de l’apprentissage initial. La toute première journée, il est bien possible que plus d’une révision se révèle être nécessaire.
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Voici plus concrètement ce à quoi peut ressembler mon plan de révision pour les informations “d’importance élevée”:
–Et pour éviter toute confusion possible, voici le même plan présenté de façon un peu différente:
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On peut parfois choisir de “tricher” un peu en révisant d’abord, en se posant des questions ensuite.
Théoriquement, lorsqu’on a appris quelque chose dans le passé, c’est préférable de réviser en commençant par se poser des questions sur le sujet sans regarder ses notes. Cela produit des souvenirs plus durables. On ne regarde les réponses que par la suite, pour corriger nos erreurs ou pour identifier les éléments manquants.
Cependant, je pense qu’il y a des circonstances où c’est acceptable de “tricher” un peu. Au lieu de commencer par les questions, on commence par relire ses notes en repensant s’il y a lieu aux mnémoniques correspondants. Avec ce que l’on vient de réviser fraichement en tête, on passe ensuite en mode questions/réponses. Cette façon de faire n’est probablement pas optimale pour la rétention à long terme, mais elle est plus facile, plus rapide et plus agréable à mettre en pratique. Généralement, mieux vaut l’éviter, mais il y a des exceptions. C’est en partie une question de préférence personnelle. En ce qui me concerne, je vais parfois opter pour cette façon de procéder lorsque:
- J’ai négligé de reviser quelque chose depuis beaucoup trop longtemps. L’information n’a peut-être pas été complètement oubliée, mais c’est trop long et trop épuisant à mon goût que de fouiller dans les tréfonds de ma mémoire pour tenter de la retrouver.
- Je souhaite réapprendre quelque chose le plus rapidement possible. Ce qui compte, c’est d’être en mesure de savoir de tout retenir dès aujourd’hui ou dès demain. Je priorise alors les résultats à court terme plutôt qu’à long terme.
- Cela adonne qu’aujourd’hui, je n’ai pas le temps ou l’énergie ou la motivation nécessaire pour réviser “comme il faut”. Je choisis alors la voie facile par paresse..
Peut-être que je me trompe et que je devrais toujours, 100% du temps, commencer d’abord par me poser des questions en tentant d’y répondre. C’est très possible. Sauf que personnellement je vois la mémorisation un peu comme un jeu. Lorsque j’ai bien dormi et que je m’y prends de la bonne façon, le jeu n’a rien d’une corvée et je vais avoir envie de recommencer le lendemain. Lorsque le jeu devient trop difficile, trop pénible ou trop épuisant, je vois ça comme un problème à corriger. Je me soucie bien sûr des résultats à long terme, mais ce n’est pas mon unique priorité. Comme je l’ai déjà écrit en d’autres mots un peu plus haut sur cette page: La méthode imparfaite que vous êtes prêt à mettre en pratique sera toujours infiniment mieux que la méthode parfaite que vous n’utiliserez pas.
Quelques précisions importantes:
- L’étude de vos flashcards ne devrait bien sûr pas être votre unique façon d’apprendre ou d’étudier. L’apprentissage peut aussi se faire pendant que vous êtes en classe (Fermez Facebook! Fermez tout ce qui est non-pertinent sur votre ordinateur. Et laissez votre cellulaire chez vous au moins mettez-le en mode airplane), pendant que vous êtes en train d’écouter un documentaire, pendant que vous êtes au milieu d’une conversation, pendant que vous lisez, pendant que vous classez vos notes et pendant que vous êtes en train de créer vos flashcards. Pour se mettre en mode “apprentissage”, l’une des meilleures façons est de s’arrêter un moment, souvent seulement quelques secondes, pour vous poser mentalement des questions pertinentes. Les questions peuvent être très simples comme “Quel est le nom de cette personne?”, mais elles peuvent aussi prendre bien d’autres formes. Qu’est-ce que je viens de lire ou d’entendre? Qu’est-ce que cela signifie? Qu’est-ce que j’aimerais retenir de tout cela? Comment je peux relier cela à ce que je connais déjà? À quoi est-ce que cela me fait penser? Est-ce que je peux trouver un truc pour retenir cela plus facilement?
- Vous allez souvent lire et entendre que la mémorisation ne sert à rien, ce qui compte c’est la compréhension. C’est un faux débat. La réalité est qu’on peut rarement séparer clairement les deux processus. La compréhension est un processus complexe qui peut difficilement être construit à partir de rien. La majorité de ce que vous “comprenez” peut ultimement être divisé en une série d’éléments plus simples que, consciemment ou inconsciemment, vous avez mémorisés. La mémorisation aide à la compréhension, et vice-versa. Cela dit, c’est effectivement possible de se concentrer aveuglément sur la mémorisation et de négliger de comprendre le portrait d’ensemble. À chaque fois que c’est possible et à chaque fois que le temps le permet, moi aussi je vous encourage à tenter de bien comprendre tout ce qui peut l’être. Bien souvent, à partir du moment où vous parvenez à expliquer les différents liens logiques, une bonne partie du travail de mémorisation devient alors superflu. Vous pourrez alors, si vous le souhaitez, conserver les flashcards et les techniques de mémorisation uniquement pour les petits faits et les données qui n’ont pas de logique évidente et qui ne peuvent pas être retenues autrement.
- Les flashcards sont surtout utiles pour ce qu’on appelle les connaissances déclaratives, pour tout ce qui peut être simplement formulé à haute voix ou écrit. Pour les “connaissances procédurales” – comment faire quelque chose (attacher ses souliers, faire cuire du riz, prononcer correctement les mots dans une autre langue, écrire un texte argumentatif, jouer d’un instrument de musique, s’exprimer à orale devant public, faire des calculs mathématiques, utiliser un nouveau logiciel et ainsi de suite) – il faut bien évidemment aller au-delà de la simple mémorisation et s’entrainer à la pratique des différentes composantes de l’habileté en question. N’hésitez pas à saisir toutes les opportunités pour pratiquer concrètement et directement la compétence en question. Tenter d’utiliser une nouvelle habileté encore sous-développée peut souvent être difficile, intimidant, voir même un peu humiliant, mais c’est aussi aussi beaucoup plus formateur. La section Apprendre à apprendre de ce site vous en dira bien davantage à ce sujet.
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De quelles façons les palais de mémoire et les techniques de mémorisation affectent les intervalles de révision?
Bonne question. À ma connaissance, les recherches portant sur la mémorisation à long terme et les intervalles de révisions optimales n’ont pas directement étudié l’effet des palais de mémoire. Je n’ai donc pas de données fiables sur le sujet, mais je peux partager un peu mes expériences et mes hypothèses:
Je pense que c’est une quasi-certitude que les mauvaises réponses deviennent plus rares. Avec une flashcard classique utilisée sans aucune autre technique de mémorisation, ce n’est pas rare de faire plusieurs erreurs et de devoir réviser davantage. Surtout au début. Avec un palais de mémoire ou d’autres techniques de mémorisation, on peut plus rapidement passer à l’étape où les révisions peuvent devenir de moins en moins fréquentes.
Je pense aussi que les palais de mémoire peuvent nous permettre d’utiliser des intervalles de révisions plus ambitieux. Je sais que, une fois franchies les premières étapes de l’apprentissage, éventuellement certains auteurs ne vont réviser leurs palais de mémoire qu’une seule fois par année. Génial, mais personnellement je ne pense pas que ce soit suffisant pour moi et pour la plupart de gens. Je préfère procéder de façon beaucoup plus conservatrice. Je préfère réviser plus souvent, rendre le processus plus facile et avoir un meilleur pourcentage de bonnes réponses. Avec ou sans palais de mémoire, j’utilise plus ou moins les mêmes intervalles de révision.
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Peut-on se permettre d’oublier nos images et nos trucs de mémorisation après un moment?
Oui. Les techniques mnémotechniques sont surtout utiles durant les premières étapes de l’apprentissage. On les utilise entre autres pour retenir les noms, les dates, les éléments d’une définition, les listes d’étapes à suivre et tout ce qui initialement nous pose problème. Éventuellement, on commence à réellement “savoir” l’information mémorisée et le truc de mémorisation devient de plus en plus inutile. Je vais utiliser toutes sortes de petits trucs si je dois rencontrer une trentaine de nouveaux êtres humains lors d’une occasion. Mais si je continue de revoir ces gens dans le futur, ce ne sera pas bien long avant que je n’aie plus besoin d’imaginer Marie-Anne se marier avec un âne ou de visualiser Michael en train de faire le moonwalk. Même chose pour des faits historiques ou scientifiques. Éventuellement lorsque ceux-ci deviendront lourds de sens dans ma tête tout en étant liés à plusieurs autres connaissances, j’aurai de moins en moins besoin de techniques farfelues pour les retenir.
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Mais si les techniques de mémorisation deviennent inutiles à la longue, pourquoi alors ne pas les ignorer complètement?
Vous pouvez, mais à moins que vous ne soyez béni d’un cerveau hors du commun, je pense que ce serait une erreur. Pour la plupart des gens et la plupart des sujets, on ne peut sauter directement à l’étape “connaissances et compréhension profonde” sans d’abord avoir pris la peine de se familiariser avec quelques faits fondamentaux. Les techniques de mémorisation nous permettent de grandement simplifier et accélérer ces premières étapes de l’apprentissage. Certains enseignants ont “besoin” de plusieurs mois, voire l’ensemble de l’année, avant de connaitre les noms de tous leurs élèves. Moi je peux faire de la suppléance et apprendre le plan de classe au complet quelques minutes avant le début du cours. Je peux aussi choisir de mémoriser en une soirée l’ensemble de mes notes portant sur un sujet et savoir que, avec quelques révisions, je vais pouvoir les garder en tête plus ou moins indéfiniment. C’est profondément libérateur. Ça cela, l’apprentissage serait encore possible, mais il serait beaucoup plus lent et plus difficile.
Préférence personnelle: Pour bien des sujets, même si je peux choisir de me passer complètement de technique de mémorisation après un moment, je vais tout de même prendre la peine de garder en tête une bonne partie des images que j’ai utilisées initialement. Ça ne demande que très peu d’efforts additionnels et cela procure une forme de sécurité supplémentaire. Par exemple, il y a bien des passwords et des numéros de carte et des numéros de téléphone importants que je connais maintenant “par coeur”. Je peux les réciter sans avoir besoin de fouiller dans mes palais de mémoire. Mais je trouve ça rassurant de savoir que je peux choisir de me référer aux images au besoin. Si je passe une longue période sans avoir à me référer à l’un de ses numéros, l’aspect “par coeur” de mon souvenir risque fort de s’affaiblir, mais les chances sont que mon souvenir des images correspondantes va tenir le coup.
Avec le temps par contre, je vais souvent laisser mes images devenir de plus en plus simples. Simplistes même. Par exemple les images que j’ai initialement utilisées pour retenir le nom de P. V. Narasimha Rao (un ancien premier ministre de l’Inde) étaient relativement complexes parce que ce n’est pas un nom facile. La version qu’il me reste aujourd’hui est toute simple: un “pavé” de pierre pour retenir le “P. V.” Je pense très brièvement au pavé et le reste du nom me revient spontanément en tête sans avoir besoin de trucs supplémentaires.
L’autre “mauvaise nouvelle” concernant la mémorisation à long terme:
Au tout début de cette page, je vous ai promis qu’en autant que vous combiniez la répétition espacée avec la mise à l’épreuve, vous allez presque assurément parvenir à mémoriser des tonnes d’information. C’est bien merveilleux tout cela, sauf qu’il y a un “petit détail” important que je n’avais pas encore mentionné. Par définition, la répétition espacée doit absolument être “espacée” sur une certaine période de temps pour être efficace. Ça ne fonctionnera pas si vous étudiez intensément deux journées par mois et que vous ne faites rien le reste du temps. Joshua Foer par exemple est parvenu à apprendre à long terme plus de 1000 mots d’une nouvelle langue en seulement 22 heures, sauf que ses 22 heures d’apprentissage et de révisions ont été espacées sur une période de 3 mois.
Faire régulièrement les révisions nécessaires, ce n’est pas nécessairement long, sauf qu’il faut un minimum de discipline. C’est un peu comme prendre la décision de faire une dizaine de minutes d’exercices physiques par jour. On parle peut-être de seulement 10 minutes, mais quand l’habitude n’est pas encore développée, c’est très facile de passer à côté. Faire de la répétition espacée une priorité en vaut définitivement la peine si vous êtes étudiant et/ou si la mémorisation à long terme est importante pour vous. Comme pour l’exercice physique et la méditation et d’autres habitudes de vie, les premières semaines sont les plus difficiles. À partir du moment où l’on parvient à faire d’un comportement positif une nouvelle habitude de vie, cela devient beaucoup simple de continuer indéfiniment. Cela peut devenir un automatisme qui va de soi, un peu comme de se brosser les dents.
Est-il simple que de prendre ce type d’habitude? Cela peut l’être si votre programme d’étude vous tient à coeur et/ou si votre tempérament est relativement responsable. Pour les lunatiques et les procrastinateurs comme moi, la bonne volonté ne suffit pas toujours. Heureusement, il y a de l’espoir. À moyen et long terme, c’est possible de parvenir à radicalement changer plusieurs aspects de notre routine. J’espère bien publier sur ce site un article plus complet expiquant les meilleures façons de développer de nouvelles habitudes de vie comme celle-ci. D’ici là, si vous souhaitez en apprendre davantage sur cet important et fascinant sujet, vous pouvez commencer par explorer quelques articles ou entrevues (version mp3 ici) avec un spécialiste du sujet nommé James Clear.
[Alerte à l’hypocrisie: Au moment où j’écris ces lignes, j’ai deux importants projets de mémorisation que je continue d’entretenir, sauf que j’ai temporairement suspendu toutes mes autres habitudes de révision. Cette mise sur pause a initialement commencé dans le but de terminer d’autres objectifs plus prioritaires et de compléter une première version de ce site. Elle s’est poursuivi beaucoup plus longtemps que prévu. C’est loin d’être la première fois que je cesse mes révisions durant de longues périodes. Je vous avais bien dit que pour bien des gens, ce n’est pas facile de prendre l’habitude de réviser comme il se doit! C’est particulièrement le cas pour les gens comme moi qui ont tendance à être lunatique et désorganisé. J’ai bien hâte de recommencer et d’effacer cette embarassante “alerte à l’hypocrisie”.]