Noms et visages

Si vous préférez apprendre à mémoriser des noms et visages avec une vidéo plutôt qu’avec un article, j’explique brièvement les grands principes ici. Une vidéo d’exercice se trouve au bas de cette page.

Ce lien vous mènera à l’une des nombreuses apparitions télévisuelles où monsieur Harry Lorayne démontrait son habileté à rapidement retenir les noms des centaines d’individus présents dans la salle. Selon sa page Wikipedia, il aurait fait des démonstrations similaires devant jusqu’à 1500 personnes, promettant 1000 dollars à qui que ce soit dont il aurait oublié le nom… Son cas n’est pas unique et d’autres mnémonistes modernes font des démonstrations similaires. Un talent inné? Les individus concernés affirment que non, que leur capacité à accomplir ces démonstrations ne résulte que de l’entrainement à l’utilisation de mnémoniques. Qu’ils aient ou non raison, il est certain que peu importe votre niveau actuel, vous pouvez vous améliorer énormément si vous faîtes l’effort d’appliquer ne serait-ce qu’une petite partie des conseils ci-dessous. Après avoir lu un peu tout ce que les champions du domaine ont à dire sur le sujet, voici mes recommandations.

Étape 1 : Portez attention

Combien de fois vous êtes-vous rendu compte vous étiez incapable de nommer la personne qui venait à peine de vous être présentée? “Excuse-moi, j’ai déjà oublié ton nom!” Cette phrase que vous avez probablement déjà prononcée est un mensonge: vous n’aviez pas “oublié” le nom, vous ne l’aviez juste jamais appris. Lorsque le nom en question a été prononcé, votre attention était ailleurs. Vous pensiez peut-être à ce que vous alliez dire ensuite, à l’impression générale que vous laissait la personne ou encore à la sorte de pizza que vous souhaitiez manger pour souper. Cela vaut la peine d’être répété: une grande partie des problèmes de mémoire sont en fait des problèmes d’attention. Si vous souhaitez cesser d’oublier les noms de tout un chacun, la première étape consiste à porter attention. Juste avant de rencontrer la personne, vous pouvez mettre les chances de votre côté en vous demandant quelque chose comme “Comment s’appelle cette personne?” Introductions faites, la personne en face de vous s’appelle… Maurice! Prenez une seconde pour absorber cette information. Ce simple effort devrait normalement vous permettre d’éliminer la majorité des cas de “j’ai déjà oublié ton nom”.

Maurice!

Maurice!

Étape 2 – Trouvez un mnémonique.

Porter attention devrait pouvoir vous épargner la plupart des situations embarrassantes, mais ce ne sera bien sûr pas suffisant pour se rappeler du nom indéfiniment. L’étape suivante consiste à, dès que vous avez un instant pour y réfléchir, trouver un “truc”, un mnémonique qui permettra de rendre le nom plus mémorable. Associez le nom à une image, à une personne que vous connaissez, à une chanson ou à un jeu de mots quelconque. La première idée, même lorsqu’elle semble mauvaise, est souvent la meilleure. Je vais brièvement passer en revue quelques-unes des façons de faire les plus communes.

Avec une image.

On transforme le nom en une image en s’inspirant de sa sonorité ou encore d’autres formes d’associations. Francis sonne comme “France” et la France peut être associée à la tour Eiffel ou à une baguette de pain. Mario peut être transformé en une “mare”, un “rio” (fleuve en espagnol et en portugais), un “mat”, un “maris”, en la “mort”, un “mot”, en quelqu’un qui se “marre”, un “mur” ou encore, si vous aimez les jeux vidéos, en une ventouse, en un gros champignon ou en un petit Mario Bross qui saute. Dimitri peut devenir de la “dynamite”, la “dime”, une “mite” (de baseball, ou l’insecte) ou encore un président russe (Dmitry Medvedev). Tant mieux si l’image rime presque parfaitement avec le nom, mais ce n’est pas grave si ce n’est pas le cas et si l’association est douteuse. Dimitri aurait aussi pu être un “trident”. Ces deux mots n’ont qu’une seule syllabe en commun, mais le fait que vous ayez fait l’effort de les associer mentalement devrait être suffisant pour vous remémorer le nom en question.

Avec le nom d’une personne que vous connaissez.

Le mnémoniste Ron White recommande d’éviter cette approche pour diminuer les risques de confusion, mais il faut admettre que c’est bien souvent la première association qui nous vient à l’esprit. Peut-être n’est-ce pas, à long terme, la tactique la plus sûre, mais cela reste une méthode utile et efficace. Vous rencontrez une Michelle et vous pensez à immédiatement à Michelle Obama, à Michel Louvain, à Michelle la gentille dame âgée qui vit au coin de la rue, à Michael Jackson ou encore à Michelangelo dans les Tortues Ninja (celui avec le bandana orange et les nunchakus!).

Avec d’autres formes d’association.

Je vais souvent faire des petits jeux de mots improvisés et transformer le nom en quelque chose que la personne pourrait dire, faire, penser ou ressentir. William a beaucoup de volonté (will en anglais). Anne-Marie veut se marier avec un âne. Liam est lié à quelque chose. Cette approche me semble particulièrement pratique pour les noms difficiles. Pour Somayyeh (un nom populaire en Iran), je pourrais imaginer que la personne a sommeil (“Soma”) et qu’elle est très heureuse (“yeh”!) de pouvoir enfin aller se coucher. Safiya (nom populaire en Biélorussie) vient d’enfanter de “sa fille”. D’autres formes d’association sont aussi possibles. Par exemple, j’entends la chanson “Jenny From the Block” chaque fois que je vois “Jennifer” ou un nom apparenté. Même chose pour “Lucy in the Sky with Diamonds” pour toutes les “Lucie” ou même les “Luc”. Et chaque fois que je rencontre un “Justin”, je suis toujours très heureux de faire jouer “I’m bringing sexy back” dans ma tête.

Étape 3- Associez mentalement le mnémonique à la personne, idéalement à un trait particulier de son visage

C’est bien beau que de se trouver un super mnémonique, mais il faut également s’assurer que le truc en question nous reviendra en tête lorsque l’on rencontrera à nouveau la personne. L’une des meilleures façons de procéder est de trouver une particularité du visage de la personne avec laquelle nous pourrons ensuite associer notre mnémonique. Supposons que vous venez de rencontrer un “Brian” et que vous avez choisi de transformer son nom en “brain”, en un splendide morceau de cerveau bien juteux. Pourquoi ne pas en profiter pour faire pendre ce morceau de cerveau quelque part au milieu de son visage? Où dans son visage? Cela dépend, y a-t-il un aspect de cette personne qui vous saute aux yeux? A-t-il un gros nez, des grosses oreilles, un grand front, de belles dents, un crâne dégarni, des sourcils prononcés, des yeux hypnotisants, des lèvres pulpeuses? Vous pourriez également utiliser un de ses morceaux de vêtement, mais pour des raisons évidentes, c’est un peu risqué comme stratégie. Choisissez un point quelconque, idéalement un endroit qui attire votre attention pour une raison ou une autre, et déposez-y le morceau de “brain”. C’est encore mieux si l’image en question n’est pas simplement présente, mais qu’elle interagit de façon vivante avec notre ami. Peut-être que les morceaux de “brain” sont enfoncés dans son nez et nuisent à sa respiration? Peut-être qu’ils sont entremêlés dans ses cheveux et qu’une substance juteuse coule jusque dans ses yeux? Peut-être que des morceaux de cerveau sont pris entre ses dents et que ça lui donne un peu envie de vomir? Il n’y a pas de loi stricte qui vous impose de procéder d’une façon ou d’une autre. Vous pouvez également déposer l’image sur le dessus de sa tête, sur ses épaules ou sur une autre partie de son corps. L’important est que vous ayez fait un bref effort pour observer la personne et pour lier son apparence avec votre mnémonique, assez pour que votre souvenir de “brain/Brian” soit réactivé plus tard. “Brian” aurait aussi pu être “bra” (soutien-gorge), “bras” (un troisième bras peut lui pousser au milieu du front), “bri” (le fromage), bris ou brisé (le front de Brian pourrait être fendu en deux), Brian le chien dans Family Guy, “brainy” ou “brillant” (vous imaginez que Brian est un génie ou encore qu’il émet une lumière éblouissante), “grain”, “ban” (un signe d’interdiction), “rain” (il pleut), “riant” (il rit). À vous de voir.

Qu’en est-il des mnémoniques qui ne sont pas visuels, comme le fait de simplement penser à une personne qui porte le même nom? Prenons notre ami “Maurice” que vous avez rencontré au début de cet article. J’espère que vous n’avez pas déjà oublié son nom! Peut-être que son nom vous fait penser à la mort et vous pouvez alors l’imaginer en train de mourir. Ou peut-être que vous avez pensé à “rice” et que vous l’imaginez la bouche pleine de riz (ou les narines, ou les oreilles, ou les yeux…). Mais la première idée qui vous viendra en tête a bien des chances d’être liée à un individu que vous connaissez qui porte le même nom. Maurice vous fait peut-être penser à Maurice Richard, Maurice Duplessis ou Maurice “Mom” Boucher? C’est bien parfait, mais on peut encore rendre l’association plus forte. Vous pouvez par exemple imaginer le Maurice en face de vous en train de jouer au hockey (Maurice Richard), avec un costume cravate et une attitude autoritaire (Maurice Duplessis) ou avec un habit de cuir, prêt à vous sauter à la gorge (Maurice “Mom” Boucher). Si “Maurice” vous fait plutôt penser à votre ancien collègue de bureau, vous pouvez imaginer de toute pièce un lien quelconque entre les deux individus. Peut-être qu’ils jouent au poker ensemble le samedi soir? Peut-être qu’ils vivent secrètement une aventure on ne peut plus torride? Peut-être que l’un est le frère adoptif de l’autre? Peut-être même que le premier Maurice a subi une centaine de chirurgie et afin d’adopter l’apparence du deuxième?

Cliquez ici ou ici pour des exemples des différents types de mnémoniques que vous pouvez utiliser.

Étape 4- Révisez

On recommande souvent de prononcer à voix haute le nom de la personne que vous venez de rencontrer. “Enchantez de faire votre connaissance monsieur Maurice!” C’est une forme de révision bien utile. Si vous êtes dans une soirée entouré d’une vingtaine de personnes, ce n’est pas une mauvaise idée que de réviser mentalement à quelques reprises au cours de la soirée les noms qui ne vous sont pas familiers. Plus tard en revenant à la maison, repassez rapidement dans votre tête les noms des gens que vous venez de rencontrer. Et si vous souhaitez faire bonne impression lorsque vous reverrez tous ce beau monde, il vous faudra noter ces noms quelque part et les réviser à quelques reprises dans le futur. Vos notes pourraient ressembler à “Maurice – Gars aux grandes dents à la soirée chez … – Aime le babyfoot” avec, si vous le souhaitez, le mnémonique que vous avez choisi d’utiliser.

Voilà. La mémorisation des noms et visages est l’un des aspects les plus difficiles de l’art de la mémoire, mais un peu de pratique permet de faire un long chemin. Je n’ai encore que très peu d’efforts investis dans le domaine et je suis déjà parvenu à tripler mes performances avec seulement quelques très courtes séances d’entraînement étalées sur quelques semaines. Déjà je remarque que j’ai beaucoup plus de facilité à trouver des mnémoniques, même pour les noms difficiles. Je remarque aussi que je porte davantage attention aux particularités des visages et que j’ai moins souvent tendance à me confondre entre deux personnes d’apparence similaire. Il est bien sûr compréhensible que vous n’ayez pas l’intention de vous adonner à des “séances d’entraînement”, mais faire l’effort d’utiliser ce genre de trucs dans la vie de tous les jours ne demande aucun investissement de temps supplémentaire. Le simple fait de garder en tête quelques-uns des principes que j’ai énumérés devrait être suffisant pour grandement diminuer la fréquence de vos oublis.

Notes additionnelles:

– Un bon nombre des vidéos (celui-ci  ou celui-ci par exemple) et des articles que vous pouvez trouver sur le sujet de la mémorisation des noms recommandent d’abord et avant tout de transformer le nom en une image et d’associer cette image à une particularité du visage. C’est une excellente méthode, peut-être est-ce la meilleure, mais ce n’est pas toujours la plus naturelle. Si vous rencontrer un “Martin”, vous pouvez bien sûr faire l’effort de créer une image de “mare” ou de “matin” (un réveil-matin, un soleil ou un café), mais peut-être est-ce beaucoup plus facile pour vous de simplement penser au “Martin” ou à la “Martine” que vous connaissez. Même les mnémonistes les plus doués dans le domaine, lorsqu’ils sont pressés par le temps, semblent naturellement et spontanément utiliser une grande variété de types d’associations (noms d’une personne qu’ils connaissent, jeu de mots, chanson, images ou peu importe). Voir ce vidéo et ce vidéo en guise d’exemples concrets.

– Qu’est-ce qu’on fait avec les noms vraiment difficiles quand ils ne riment pas de façon évidente avec quelque chose d’autre? Encore une fois, il faut laisser faire le perfectionnisme et ne pas perdre trop de temps à chercher le truc parfait. Ce n’est pas parce qu’un truc est mauvais et qu’il n’est que très vaguement apparenté au nom original qu’il ne peut pas fonctionner. Pour illustrer ce principe, je vais volontairement aller chercher quelques-uns des exemples les plus difficiles d’une liste de noms internationaux: Bayarmaa, Oyunbileg et Khongordzol, trois noms féminins populaires en Mongolie. Pour Bayarmaa, la personne voit quelqu’un bailler et se dit que c’est un “Bayar”. Pour Oyunbileg, la personne voit un billet de banque par terre et dit “Oy! un billet!”. Pour Khongordzol, elle se dit qu’elle va avoir besoin d’aérosol (“ordzol”) pour visiter le Congo (“Khongord”). Ces trucs sont tous plus mauvais les uns que les autres et je ne dis pas qu’ils rendent la tâche facile, mais ils la rendent certainement beaucoup moins difficile. Maintenant, pour ne pas vous embarrasser à dire quelque chose comme “CongoAérosol” au lieu de “Khongordzol”, cela vaut la peine de prononcer le nom à voix haute à quelques reprises…

– Est-ce que n’importe qui peut, comme Harry Lorayne et Ron White, apprendre à rapidement retenir les noms d’une foule de plusieurs centaines de personnes? Probablement pas. L’entrainement et les techniques de mémorisation apportent une aide inestimable, mais parmi toutes les disciplines de l’art de la mémoire, je dirais que la mémorisation des noms et visages est peut-être celle où le facteur “talent” est le plus important. Il semble qu’une petite partie de notre cerveau soit spécialisée dans la reconnaissance des visages et que certaines personnes ont naturellement une plus grande facilité dans ce domaine. Mais peu importe que vous soyez ou non naturellement doué pour retenir les visages, avec la pratique vous pouvez tout de même apprendre à doubler, tripler ou quadrupler vos performances.

Pour se pratiquer:

  • Vous pouvez vous amuser à faire des épreuves de seulement une minute (prénoms seulement) en allant sur https://app.memoryleague.com. Vous avez jusqu’à trois essais par jour. Il faut s’abonner et payer un très abordable 25$ par année pour pouvoir utiliser le site de façon illimitée et changer les options pour, par exemple, se donner plus de temps.

  • Des exemples de cette épreuve se trouvent sur cette page. Le format est celui utilisé dans les compétitions de la Canadian Mind Sports Association.

  • Vous pouvez également utiliser le logiciel d’entrainement IAM. Sinon un autre option consiste à aller sur www.standard-memory.com, cliquer sur “5 min Names & Faces” et étudiez la feuille pendant 5 minutes. Cliquez ensuite sur le lien “Recall online” pour répondre et voir vos résultats. Sachez cependant que les noms qui vous sont présentés sur ces deux sites sont plus difficiles que ceux des liens précédents.