Le sommeil : Le pilier sur lequel tout le reste repose

Cette page n’est pas la plus intéressante et la mieux présentée de ce site, mais c’est certainement l’une des plus fondamentales. Le sommeil est extrêmement important non seulement pour la mémoire et l’apprentissage, mais aussi pour pratiquement tout ce qui se passe dans votre tête et dans votre corps.

Si vous êtes comme la majorité de la population en Occident, les chances sont que vos habitudes de sommeil sont loin d’être optimales. Même si vous n’avez pas l’impression de manquer de repos, il est probable que vos habitudes de sommeil affectent négativement votre santé, votre joie de vivre et vos performances. Ce n’est pas vraiment de votre faute. Ces mauvaises habitudes sont une conséquence normale et prévisible de notre mode de vie ainsi que de l’omniprésence des écrans et des sources de lumière artificielle. Ces habitudes peuvent être changées, mais ça ne se fera pas sans un minimum de volonté et de planification.

Oubliez un moment ce que vous pensez déjà connaitre sur le sujet. Je ne veux pas vous insulter, mais à moins que vous n’ayez déjà pris la peine de vous renseigner de façon sérieuse sur le sommeil et sur son fonctionnement, les chances sont que vous entretenez plusieurs idées erronées sur le domaine. Si l’expérience personnelle et l’intuition étaient suffisantes, nous n’aurions pas besoin de la science pour nous informer. Règle générale, les gens sont atrocement mauvais quand vient le temps de juger de la quantité de sommeil dont ils ont besoin, de ce qui les aide à dormir, des conséquences du manque de sommeil et de tous les sujets connexes. On peut constater cela en contexte expérimental lorsque les sujets déclarent “se sentir bien” alors que leurs performances cognitives sont en chute libre. Je le remarque aussi trois fois sur quatre lorsque je me retrouve à discuter du sujet avec quelqu’un. Je le vois fréquemment même chez des gens particulièrement brillants et cultivés et même chez des professionnels de la santé. Tout cela pour dire: même si vous pensez déjà “bien dormir” et que vous pensez déjà savoir ce que vous devez savoir sur le sujet, rendez-vous service, soyez ouvert à la possibilité que vous puissiez vous tromper et prenez au sérieux les informations que vous trouverez sur cette page.

Je pensais savoir depuis déjà longtemps que “le sommeil c’est important”, mais je ne réalisais pas du tout à quel point avant d’avoir lu l’excellent et fascinant livre “Why We Sleep” (aussi disponible en français) de Matthew Walker, un professeur de neuroscience à l’université de Berkeley. Je crois que le contenu de ce livre fait certainement partie des deux ou trois trucs les plus importants que j’ai appris de ma vie. Je ne pense pas exagérer et je suis loin d’être le seul à tenir des propos similaires. Je ne vais pas vous forcer à aller lire le livre, mais je vais tout de même fortement vous inciter à aller voir quelques-unes des nombreuses entrevues que vous pouvez trouver très facilement en ligne. Vous pouvez aussi écouter son Ted Talk (version avec sous-titres en français disponible ici). Si vous n’êtes pas à l’aise avec l’anglais, malheureusement le seul article vaguement complet que j’ai pu trouver en français est celui-ci.

La liste des bénéfices qui viennent avec des nuits complètes et régulières est particulièrement motivante. On devient rapidement plus en santé, plus énergique, plus heureux, plus concentré, plus en contrôle de nous-même, plus créatif et globalement plus intelligent. Même notre apparence physique s’améliore de façon substantielle. Si un médicament avait ces effets, les gens paieraient des fortunes pour se le procurer. En contrepartie, la liste des conséquences du manque de sommeil est absolument terrifiante.

 

Quelques “not-so-fun facts” concernant les conséquences du manque de sommeil

  • Toutes les principales maladies mentales, y compris l’Alzheimer et les autres formes de démences, voient leurs effets être exacerbés par le manque de sommeil. C’est le principal facteur de risque connu pour l’apparition prématurée de l’Alzheimer.
  • Après une nuit de 4 heures, le lendemain le système immunitaire devient 70% moins efficace. Vos chances de tomber malade sont multipliées par 4 ou 5.
  • Le manque de sommeil chronique est associé à une hausse substantielle de toutes le principales causes de mortalité.
  • Les hommes qui dorment cinq heures par nuit depuis plusieurs années ont des testicules nettement plus petits que ceux des hommes qui dorment des nuits complètes. Leur taux de testostérone est le même que celui d’un homme 10 ans plus vieux. Pour les femmes, le manque de sommeil chronique peut causer des problèmes d’importance comparable à la santé du système reproducteur.
  • Au printemps, quand le changement d’heure nous fait perdre une heure de sommeil, le jour suivant on observe une augmentation de 24% des infarctus. A l’automne, quand nous gagnons une heure de sommeil, le nombre d’infarctus va maintenant diminuer de 21%. Nous enregistrons exactement les mêmes tendances pour les accidents de la route et même pour le taux de suicide.
  • Après une nuit de 6 heures, l’épuisement physique se manifeste au moins 30% plus rapidement.
  • Un athlète qui ne dort que 5 heures par nuit augmente de 60% ses chances de se blesser au courant d’une saison.
  • Le nombre d’accidents de voiture causé par le manque de sommeil est supérieur au nombre d’accidents causés par l’alcool et l’usage de drogues.
  • Un chirurgien qui ne dort que 6 heures ou moins augmente de 170% ses chances de faire une erreur importante au cours d’une opération.
  • Le manque de sommeil affecte les deux hormones qui contrôlent l’appétit. Le résultat est que non seulement vous ressentez le besoin de manger davantage, vous êtes aussi porté à dévorer un maximum de junk food.
  • Si vous parvenez à suivre un régime mais que vous ne dormez pas suffisamment, 70% de votre perte de poids va venir de la diminution de votre masse musculaire plutôt que de la perte de gras.
  • Une étude force un groupe de jeunes adultes en santé à ne dormir que 6 heures par jour pendant une semaine. À la fin de la semaine, 711 gènes différents voient leur activité être affectée, toujours de façon à les rendre les individus plus vulnérables à une multitude de problèmes de santé importants.
  • Une commission scolaire décide de commencer les cours à 8h55 du matin plutôt qu’à 7h35. S’en suivent une hausse spectaculaire des résultats moyens, une diminution de 70% des accidents de voiture chez les 16 à 18 ans (la principale cause de mortalité à cet âge) et même une diminution des problèmes psychologiques et des problèmes de comportement chez les élèves. Pour tous les élèves de par le monde qui année après année n’ont pas la chance d’avoir un rythme de sommeil sain et complet, on ne peut que spéculer sur l’étendu des problèmes causés et du potentiel gaspillé.

Depuis environ deux ans, c’est le genre de fun facts que j’ai pris très charmante habitude de répéter constamment à mon entourage. Je suis sûrement très agaçant à entendre, mais au moins c’est pour une bonne cause. L’ignorance qui règne sur ce sujet, y compris chez bien des gens éduqués et cultivés, est absolument scandaleuse et terriblement lourde de conséquences.

Je suis tenté de rédiger une autre dizaine de pages abondant dans la même sens, mais je vais m’abstenir pour le moment.

 

Quelques conseils pour mieux dormir et quelques autres trucs importants à prendre à considération

Si je n’avais qu’un seul conseil à donner à tout le monde, tout domaine confondu, ce serait probablement celui-ci: Dormez tous les jours, aussi longtemps que nécessaire, à des heures régulières. C’est l’intervention la plus significative que vous pouvez faire pour votre santé, votre humeur, votre niveau d’énergie et votre capacité à vous concentrer et à mémoriser. Notez que j’ai mis “heures régulières” en caractères gras car je sais par expérience à quel point c’est facile à oublier à cette époque où les écrans et les sources de lumières artificielles sont omniprésents. C’est aussi l’aspect que, ne réalisant pas son importance, j’ai le plus grossièrement négligé au cours de ma vie.

Parfois on n’a tout simplement pas le choix. Et parfois encore, cela peut valoir la peine de sacrifier quelques heures de sommeil pour vivre une expérience particulièrement enrichissante. Mais le reste du temps, peu importe quels sont vos objectifs, dans la plupart des cas bien dormir devrait être votre première priorité. Cela reste vrai même si vous ne vous souciez pas de votre humeur et de votre santé à long terme. On peut s’habituer à dormir seulement cinq ou six heures par nuit et avoir l’impression d’être en forme, mais à moins de faire partie d’une microscopique minorité de mutants, cette impression n’est qu’une illusion. Il n’y a à peu près aucune fonction corporelle ou intellectuelle qui n’est pas négativement affectée par le manque de sommeil. Et même si l’on choisit d’ignorer ces effets négatifs afin de pouvoir travailler ou étudier plus longtemps, sachez qu’après une journée ou deux, la diminution de votre niveau de productivité vient bien vite annuler tous les gains en termes de temps.

Si vous ne vous réveillez jamais naturellement et que vous avez systématiquement besoin d’une alarme pour vous lever le matin, vous ne dormez pas suffisamment. Même si vous pensez bien fonctionner avec moins de sommeil (les gens sont de particulièrement mauvais juges à ce sujet), votre état n’est pas optimal et vous accumulez progressivement un déficit dont les effets sont cumulatifs.

Que devriez-vous faire alors? En gros, aller au lit plus tôt, à des heures régulières, en éliminant progressivement les principaux obstacles au sommeil. L’objectif n’est pas de viser un nombre ultra spécifique d’heures quotidiennes de repos. Le principal objectif est de, la plupart du temps, entretenir des habitudes et des conditions qui vous permettent de vous endormir facilement le soir et de vous lever en bonne forme lendemain.

  • Juste après la quantité, la régularité du sommeil est l’aspect le plus important. C’est aussi l’aspect que j’ai le plus négligé tout au long de ma vie jusqu’à tout récemment. L’heure à laquelle vous allez dormir le soir peut varier un peu (pas trop!, ou du moins pas trop souvent), mais celle à laquelle vous vous levez le matin devrait rester relativement stable. Lorsqu’on se retrouve à dormir beaucoup plus tard qu’à notre habitude, c’est préférable d’éviter de trop dérégler son cycle de sommeil en se levant trop tard le lendemain. Mieux vaut alors tolérer d’être un peu fatigué de façon à pouvoir s’endormir plus facilement le soir venu.
  • Sortir à l’extérieur ne serait-ce que 2 minutes le matin et laisser vos yeux être exposé indirectement au soleil (même à travers les nuages) permet d’informer votre cerveau que la journée est commencée. Une sorte de petit chronomètre interne est alors déclenché. On se réveille alors plus rapidement et plus agréablement. Et l’on s’endort beaucoup plus facilement le soir venu.
  • Le café est une substance extraoridaire qui a toute sorte d’avantages. Malheureusement, les effets négatifs sur le sommeil sont loin d’être négligeables. Vous pouvez en boire tous les jours, mais il faut idéalement cesser d’en consommer environ deux heures après votre heure de lever. Et ce, même si vous n’avez jamais de difficulté à vous endormir le soir venu. Plus de précision à ce sujet plus bas sur cette page.
  • La qualité du sommeil est presque aussi importante que la quantité. Cacher TOUTES les sources de lumière (contours des rideaux, bas de la porte, lumières de cellulaire et de réveil matin compris) semble ridicule, mais cela peut faire une bonne différence. Un petit masque pour les yeux peut aussi être une alternative intéressante. En ce qui me concerne, je n’utilise pas de masque, mais je vais fréquemment prendre un t-shirt ou un morceau de vêtement et le placer de façon à cacher mes yeux tout en laissant dégagés mon nez et ma bouche.
  • Utilisez un réveil matin (en cachant l’heure avec un morceau de tissus) et laissez votre cellulaire dans une autre pièce pour ne pas être tenté de le regarder. Sinon au moins laissez-le en mode “airplane” (ce qui bloque l’entrée d’appels et de messages textes, vos messages vont apparaître lorsque vous sortirez de ce mode).
  • Le manque de sommeil est un problème moderne lié en bonne partie à l’omniprésence des écrans et des sources de lumières artificielles. Le soir venu, fermer ou diminuer l’intensité de la plupart des lumières de votre appartement permet de laisser votre corps tranquillement amorcer sa transition vers le sommeil. Plus important encore, il faut s’éloigner des écrans idéalement un bon 60 minutes avant de dormir. Ou du moins, éviter généralement de les regarder après 22h. C’est là le type de conseil que la plupart des gens va entendre une fois avant de l’ignorer. Libre à vous, mais sachez que les conséquences sont pires que vous ne l’imaginez. Non seulement l’exposition aux écrans passé cette heure va nuire à votre sommeil, elle va aussi venir interférer négativement avec la production régulière de dopamine, le neurotransmetteur dont vous allez avoir besoin pour vous activer le lendemain. Pour ceux et celles pour qui l’abstinence est impensable, des applications comme celle-ci permettent au moins de limiter une partie des dommages. Cela reste une mauvais idée, à moins de vraiment ajuster les options de façon à ce que l’écran reste bien sombre.
  • Au besoin, une sieste de 10 ou 20 ou 30 minutes au milieu de la journée peut permettre de récupérer en bonne partie sa bonne humeur et son énergie tout en améliorant grandement nos performances pour une variété de tâches complexes. Une sieste plus longue où on se réveille en plein milieu d’un cycle de sommeil risque au contraire de nous laisser à moitié endormi. Une sieste d’environ 90 minutes, soit un cycle de sommeil complet, ne cause pas ce problème, mais elle risque parfois de nous empêcher de dormir le soir venu. Évitez les siestes après 14 ou 15 h. Notez que les siestes aident énormément à récupérer vos facultés intellectuelles à court terme, à long terme elles ne sont pas des solutions viables au manque de sommeil chronique.
  • On dort mieux le soir venu lorsque l’on a physiquement dépensé de l’énergie au courant de la journée, particulièrement lorsque l’on a fait de l’exercice le matin. Cependant, il vaut généralement mieux éviter de trop s’activer pendant au moins une heure avant d’aller au lit.
  • Ayez une période de relaxation loin des écrans avant d’aller dormir, en lisant un roman par exemple.
  • Soyez au chaud sous les couvertures, mais gardez votre chambre plus froide.
  • Les somnifères ne produisent pas un sommeil réparateur. La mélatonine peut aider à s’ajuster à un changement de fuseau horaire, mais elle devient inutile une fois qu’un rythme régulier a été repris. Si vous en consommez régulièrement, tentez de progressivement réduire la dose et de viser l’élimination à moyen terme. Plus de 2 mg, c’est trop (les pharmacies vendent souvent des capsules de 5 ou 10 mg). On est bien plus en forme après un sommeil complètement naturel.
  • Demandez à votre médecin si les médicaments que vous prenez peuvent contribuer à l’insomnie et s’ils peuvent être remplacés ou consommés plus tôt dans la journée.
  • Évitez généralement de consommer trop de nourriture ou de liquide avant d’aller au lit.
  • J’ai mentionné comment sortir un moment à l’extérieur le matin est (presque) toujours une bonne idée. C’est encore mieux si vous recommencez à nouveau au courant de l’après-midi. Notez qu’au-delà du sommeil, les marches à l’extérieur sont associées à une longue liste de bénéfices complémentaires pour la santé physique et mentale.

Avertissement important: Il y a un paradoxe dangereux pour lequel je n’ai pas de solution miracle. Pour certains individus, se renseigner sur l’importance du sommeil a pour effet d’augmenter leur niveau d’anxiété sur le sujet, et par le fait même d’aggraver leurs problèmes de sommeil… J’imagine que vous comprenez à quel point cela peut être contre-productif. J’ose espérer que je n’ai pas involontairement contribué à exacerber vos difficultés.

Autant je vous recommande de prendre le sommeil au sérieux de façon générale, autant il vaut mieux tenter d’entretenir une attitude beaucoup plus “relaxe” et nonchallante quand vient le temps de dormir. Évidemment, il ne sert à rien de paniquer lorsqu’on a de la difficulté à dormir. Prenez de grandes respirations et dites-vous qu’en autant que vous ayez évité tous les principaux pièges, votre corps devrait normalement parvenir à aller chercher le sommeil dont il a besoin. Souvenez-vous qu’être occasionnellement fatigué le lendemain n’est pas la fin du monde. Si vous évitez de boire trop de café trop tard au courant de la journée suivante, le soir venu vous devriez pouvoir bien dormir sans trop de problèmes.

Faites de votre mieux pour tenter de créer des conditions propice au sommeil, mais ne tentez pas de le forcer. Si un soir après une trentaine de minutes vous n’êtes toujours pas sur le point de vous endormir, levez-vous et allez lire un livre ou faire autre chose (pas d’écrans!) en attendant de ressentir assez de fatigue. Il faut éviter que votre cerveau associe le lit à un endroit où l’on peut rester éveillé à réfléchir pendant des heures. Retournez au lit seulement quand vous aurez sommeil, même si ça prend beaucoup de temps. Vous referez ainsi progressivement le lien mental entre le lieu de votre lit et l’état de sommeil. Personnellement, j’ai longtemps été sceptique face à cette recommandation, mais heureusement j’ai fini par me laisser convaincre. Exceptionnellement, je vais me relever pendant un long moment après avoir sans succès tenté de m’endormir. Je vais parfois même faire de même après m’être accidentellement réveillé au milieu de la nuit. Mais c’est de plus en plus rare. Règle générale, “Est-ce que je vais bien dormir cette nuit?” n’est plus une question que je me pose.

 


Précisions supplémentaires:

Café et alcool: Comment gérer notre consommation de nos drogues préférées

Il est possible que certains d’entre vous s’objectent à l’utilisation du mot “drogue” ici, mais sachez que le fait qu’une substance soit légale et populaire ne change absolument rien au fait que ce soit une drogue. Cela dit, loin de moi l’idée de démoniser l’usage du café ou de l’alcool, je ne souhaite que partager certaines informations qui pourraient (ou non) influencer vos choix.

  • La caféine est ce qu’on appelle un stimulant, et cela adonne que sommeil et stimulants ne font pas malheureusement pas bon ménage. Avec l’omniprésence des écrans et des sources de lumière artificielle, la consommation abusive de café est l’une des principales causes de l’épidémie de manque de sommeil qui affectent nos sociétés. Plus on boit du café de façon irréfléchie, moins bien nous dormons. Moins bien nous dormons, plus nous buvons encore davantage de café pour compenser… La caféine a bien des avantages, mais le principal problème est qu’elle reste présente dans notre sang longtemps après que ses effets positifs se soient dissipés. Environ 25% de la caféine qu’on trouve dans une tasse consommée vers 14h peut encore être active dans votre cerveau à minuit le soir. C’est loin d’être négligeable. Même si vous parvenez quand même à tomber endormi, cela ne signifie pas que la caféine ne vient pas affecter négativement le fonctionnement naturel de certains des cycles de sommeil dont vous avez besoin.
  • Cela dit, la consommation de café a aussi plusieurs avantages bien documentés. Pour la plupart d’entre nous, il n’est pas question de nous en passer. Reste alors à voir de quelles façons on peut maximiser ses avantages tout en minimisant ses inconvénients. Si ce sont les bénéfices sur la santé qui vous intéresse, une tasse de décaféiné le matin vous donnera tous les antioxydants qui en sont peut-être (les données ne sont pas complètement claires sur le sujet) la principale cause. C’est que choisit de faire Matthew Walker, le scientifique spécialiste du sommeil dont je vous ai parlé. Sachez que le décaféiné contient tout de même de la caféine. Beaucoup moins qu’une tasse normale certes, mais tout de même assez pour qu’il ne soit pas recommandé d’en consommer le soir.
  • Si comme moi, vous consommez du café principalement pour ses effets sur l’humeur, la concentration et la productivité, un compromis défendable serait de se limiter à des quantités raisonnables et à cesser d’en consommer le plus tôt possible. L’idéal serait peut-être d’en boire seulement une tasse le matin et de cesser par la suite. Sauf que pour les addicts que la plupart d’entre nous sommes, moi y compris, une seule tasse le matin peut initialement sembler insuffisant pour pouvoir se concentrer. On peut tout de même réduire progressivement notre consommation et s’imposer quelques règles qui nous semblent raisonnables. Si vous pouvez limiter votre consommation au matin, même si vous buvez trois tasses, ce serait déjà un grand progrès. Personnellement j’ai commencé par cesser d’en boire passé 14h. Puis j’ai commencé à me limiter au matin. Aujourd’hui, je ne bois plus que l’équivalent d’une tasse et demi consommée peu après le lever. Cette nouvelle habitude me permet de mieux dormir le soir sans être moins alerte pour autant. Peut-être qu’éventuellement, comme le recommande l’expert en productivité Chris Bailey, je vais cesser de boire du café tous les jours de façons habituelles et je vais plutôt en consommer de façon “stratégique”, seulement lorsque cela en vaut la peine.
  • L’alcool, surtout en grande quantité, vous empêche d’atteindre les stades du sommeil les plus réparateurs. On peut s’imaginer que l’alcool peut nous aider à nous endormir et cela peut parfois être vrai, sauf qu’un sommeil partiellement alcoolisé ne sera jamais aussi bénéfique qu’un sommeil sobre. Aussi hors-norme que cela puisse sembler, boire de l’alcool plus tôt dans la journée est moins nocif que d’en boire le soir. Cela laisse à notre organisme davantage de temps pour se débarrasser de l’alcool qui se trouve dans notre sang.
  • Malheureusement, même si les mécanismes d’action ne sont pas les mêmes, tout ce que je viens de dire sur l’alcool pourrait tout aussi bien être répété pour la marijuana. Plusieurs individus consomment du CBD dans le but de mieux dormir. Peut-être ont-ils raison, mais sachez que CBD et THC, ce n’est pas la même chose.

 

À propos de la nuit blanche comme technique d’étude

  • Il est souvent possible de se préparer à un examen durant toute la nuit et d’obtenir de bons résultats, mais ne confondez pas cela avec un véritable apprentissage. Pour réellement parvenir à apprendre quelque chose, cela nécessite du sommeil avant (pour la concentration) et après (pour la consolidation). Sans cela, rien ne va perdurer à long terme. Même si ça ne vous dérange pas de ne rien retenir une fois l’examen terminé, gardez en tête le fait que les effets sur la mémoire ne sont que l’une des innombrables conséquences négatives du manque de sommeil.
  • Vous pouvez choisir de couper sur le sommeil la veille d’un examen, mais il est impératif que vous puissiez récupérer le plus rapidement possible. Si votre déficit de sommeil est trop important, il sera impossible ou presque de mémoriser quoi que ce soit. Mieux vaut étudier efficacement pendant un beaucoup plus court moment que de passer 12 heures comme un zombie à regarder vos notes sans ne rien retenir. Si une nuit de sommeil n’est pour l’instant pas dans le royaume des possibilités, sachez qu’une sieste de 15 ou 20 ou 90 minutes peut au moins vous permettre de récupérer une partie importante de votre énergie et de votre concentration. Mieux qu’un Red Bull! Une sieste de 45 minutes, soit la moitié d’un cycle de sommeil, risque cependant de vous laisser longtemps dans un état confus et fatigué.
  • Plus les épreuves auxquelles vous ferez face sont complexes (longs essais argumentatifs, problèmes mathématiques et ainsi de suite), plus il est préférable d’être un peu moins bien “préparé” et beaucoup plus reposé.

Ne tirez pas de conclusions trop vites!

Voici un extrait pertinent d’un article publié dans New York Times:

Any changes you make to your sleep schedule should be gradual. “You can control when you wake up more than you can control when you fall asleep,” Dr. Dimitriu said. He recommended trying to wake up about “30 minutes earlier each week” and then, in the evenings, to “do quiet, relaxing activities that invite sleep.” […] Part of the problem with trying to change your sleep habits, Dr. Dimitriu explained, is that “there is a small delay in getting several nights of good sleep and feeling better the next day.” Going to bed early one night won’t cut it, so a lot of people give up before they see any difference. “Patience is key,” he said. “Keep it up for a week. The days get easier.” And once the days get easier, you’ll “learn to love sleep again.”

Commentaire lié à ce dernier passage: Les effets négatifs du manque de sommeil sont cumulatifs. Les effets positifs le sont aussi. Si vous avez un important déficit de sommeil accumulé, il va falloir attendre un bref moment pour que votre corps puisse s’ajuster et récupérer et pour que vous puissiez retrouver un état normal beaucoup plus optimal. La façon dont vous vous sentez le lendemain n’est toujours un bon indicateur. Je vous jure que cela vaut la peine de persévérer!

 

Les somnifères devraient être évités autant que possible!

  • J’en ai parlé déjà un peu plus haut: Les somnifères ne produisent pas un sommeil réparateur. Ils vous permettent de tomber “dans le coma” pendant plusieurs heures, sauf que cet état ne peut combler adéquatement toutes les fonctions cruciales qui sont normalement jouées par un sommeil naturel. Les plus populaires (Ambien et Lunesta par exemple) sont aussi liées à plusieurs autres problèmes de santé.
  • La mélatonine peut aider à s’ajuster à un changement de fuseau horaire, mais elle devient inutile une fois qu’un rythme régulier a été repris. Si vous en consommez régulièrement, tentez de progressivement réduire la dose et de viser l’élimination à moyen terme. Plus de 2 mg, c’est trop (les pharmacies vendent souvent des capsules de 5 ou 10 mg). On est bien plus en forme après un sommeil complètement naturel. Personnellement, je vais exceptionnellement prendre une petite dose de mélatonine si je dois dormir dans un lieu bruyant ou réajuster mon rythme de sommeil. Je vais aussi parfois faire la même chose si, pour une raison ou une autre, je me suis permis de boire du café trop tard au courant de l’après-midi. Je vais m’endormir plus vite, sauf que je vais être bien moins en forme le lendemain, même après une nuit de 9 heures. Les conséquences sont de pire en pire si je recommence durant plus d’une nuit consécutive.
  • Est-il mieux de dormir à l’aide d’une substance ou de ne pas dormir du tout? C’est là une question difficile à laquelle il n’est pas simple de répondre. À court terme, la réponse est non. Il est préférable de peu ou mal dormir une journée ou deux, de vous forcer quand même à vous lever tôt et de faire tout ce qu’il est possible (voir les recommandations plus haut sur cette page) pour que vous puissiez plus facilement vous endormir le soir venu. À plus long terme, si vos problèmes de sommeil restent chroniques malgré tous vos efforts, il est possible que la consommation de somnifères puisse être un moindre mal. Il faudra alors faire davantage de recherche et consulter un spécialiste avant de tirer des conclusions.

Si les interventions suggérées sur cette page restent insuffisantes, même après plusieurs semaines ou mois, consultez un spécialiste!

Est-ce que je vous ai bien dit que le sommeil, c’est ultra important et cela peut grandement enrichir votre vie?

 

À propos du cercle vicieux formé par le vieillissement et le manque de sommeil:

Malheureusement, il y a certains problèmes de sommeil liés au vieillissement qui semblent pour l’instant n’avoir pas de réelle solution. Certains effets du vieillissement causent des problèmes de sommeil. Ces problèmes de sommeil accentuent à leur tour les effets du vieillissement… On observe le même type de “cercle vicieux” avec bon nombre de problèmes de santé mentale. Un peu déprimant tout cela… J’imagine que cela va m’arriver à moi aussi un jour. Dans tous les cas, on peut bien sûr apprendre à vivre en paix avec des problèmes insolubles, mais cela vaut la peine malgré tout de voir ce que l’on peut faire pour mitiger les dommages.

 

À propos du monde merveilleux des ronflements et de l’apnée du sommeil:

Ronflez-vous? Si oui, vous êtes loin d’être le seul ou la seule. Je suis désolé de vous dire qu’il s’agit là d’un problème qui va bien au-delà de l’aspect “agaçant”* pour ceux et celles qui ont le malheur de vous entendre. Ça s’appelle l’apnée du sommeil et c’est un problème de santé qui mérite clairement d’être pris au sérieux. Même si vous dormez seul et que personne ne vous entend, votre sommeil est bien moins réparateur qu’il ne devrait l’être. Cela signifie que vos performances physiques et cognitives sont handicapées et que, même si vous passez des éternités au lit, vous restez à risque pour tous les super problèmes de santé mentionnés au début de cette page.

Quelques références pour mieux comprendre:

  • Voici un article où l’humoriste Anthony Kavanah raconte les terribles conséquences qui ont été engendrées par son problème d’apnée du sommeil.
  • Extrait d’une émission de Radio Canada où un médecin nous parle de l’étendue ahurissante du problème.
  • Pour vous donner une idée des bénéfices qui vous attendent probablement si vous prenez ce sujet au sérieux, je vous recommande d’écouter ce court extrait d’un épisode de podcast. Aucun des deux individus n’est un spécialiste, mais cela reste bien intéressant et instructif que de porter attention à leurs témoignages. Plusieurs des expériences racontées dans les commentaires sont elles aussi mémorables et dignes d’intérêt. 
  • Pour plus de détails, je vais vous référer à ce pamphlet produit par l’Ordre des inhalothérapeutes du Québec. Ou si vous préférez, en voici un autre un peu plus court produit par le Centre hospitalier de l’Université de Montréal.

Il est possible que de prendre soin de votre santé de façon générale et de mettre en place certaines des recommandations de cette page puissent régler le problème. Si ce n’est pas le cas, ne tardez pas à consulter un spécialiste! Il existe des cliniques privées spécialisées dans le domaine. Dans le réseau public, votre médecin peut vous faire prendre rendez-vous avec un professionnel compétent. La nature du traitement approprié va dépendre de la nature et de l’étendue du problème. Je suppose que plusieurs cas peuvent être réglés autrement, mais le traitement le plus efficace consiste à se procurer une machine au coût d’environ 1300 dollars…

La plupart des pays industrialisés remboursent le coût des traitements pour l’apnée du sommeil. Une bonne partie des provinces canadiennes font de même. Au Québec, je ne suis malheureusement pas certain. Ce n’était pas le cas jusqu’à tout récemment. Une motion a été votée en 2019 à l’Assemblée nationale pour changer cela. En octobre 2020, rien n’avait encore été fait. Je ne sais pas si cela a changé depuis et je ne sais pas à quel point vos assurances peuvent rembourser une partie des coûts. Si vous en avez les moyens, même si c’est beaucoup d’argent, même si c’est tentant de vouloir ignorer le problème, je pense que ce serait préférable de ne pas attendre davantage.

Je sais que de dormir avec une machine n’est pas très attrayant comme idée, mais cela reste dix fois mieux que de souffrir toute sa vie avec un sommeil grossièrement inadéquat.

*Le mot “agaçant” que j’ai utilisé plus haut était ici un euphémisme. Dormir à côté de quelqu’un qui ronfle trop fort et trop fréquemment, c’est carrément insupportable. C’est une cause commune de divorce. Dans certains cas, comme dans l’exemple ci-dessus, ça a même mené à des meurtres! “His snoring was louder than any jackhammer I’ve ever heard”…

 

Et finalement, une dernière “référence” légèrement moins sérieuse: Si vous vous pensez encore que le sommeil est une perte de temps, que vous préférez “vivre pleinement” et être beaucoup plus productifs, ces deux individus ont d’excellents conseils à partager.